« Certaines femmes préfèrent ne pas savoir. » [1]. C’est ce qu’a répondu une gynécologue à une femme venue donner ses ovocytes. Un geste qu’elle voulait « au service des femmes stériles ou infertiles désireuses d’avoir un enfant » et qui s’est transformé en « calvaire ».
Une procédure qui peut s’avérer très douloureuse
Agée de 38 ans, l’âge limite pour donner ses ovocytes [2], sans « projet de grossesse », cette femme décide de franchir le pas. « La gynécologue m’avait expliqué le déroulé de l’opération, raconte-t-elle : m’injecter des hormones pendant deux semaines pour faire éclore le plus d’ovocytes possible, prendre un antalgique le matin, arriver à midi, subir l’intervention sous anesthésie locale, rentrer chez moi en taxi et me faire dorloter à mon retour, car je serais fatiguée. »
Sans inquiétude particulière, elle avait « souscrit à tout, en demandant toutefois une précision ». L’anesthésie locale suffirait-elle ? Le médecin la rassure : « Tout se passe bien en anesthésie locale. Vous verrez ». Bien loin de ce qu’on lui avait promis, lors du prélèvement, elle « sen[t] tout ». La douleur lui fait atteindre « un état de choc au point qu’[elle] implore d’arrêter ».
Après l’intervention le médecin finit par lui expliquer que « le vagin est anesthésié, oui, pour que la sonde puisse passer. Mais on n’anesthésie pas les ovaires. C’est impossible techniquement ». Un « détail » qu’on a préféré lui taire. « Certaines femmes préfèrent ne pas savoir. »
Une information facultative ?
Depuis le décret du 13 octobre 2015, les personnes n’ayant pas procréé sont autorisées à donner leurs gamètes. Le texte prévoit alors que « le donneur, homme ou femme, n’ayant pas encore procréé est en outre informé de la nécessité de se soumettre, préalablement au don, à un ou plusieurs entretiens avec un médecin qualifié en psychiatrie ou un psychologue ». Un tel acte mérite réflexion. Ou faut-il dire méritait ?
En effet, alors que l’arrêté du 30 juin 2017 destiné à définir les « règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques d’assistance médicale à la procréation » maintenait cette disposition [3], l’arrêté du 5 octobre 2023 y a mis fin. Le tiers donneur est désormais simplement informé « de la proposition qui lui est faite systématiquement d’un ou plusieurs entretiens avec un psychiatre ou un psychologue ». Mais peut-on prendre la mesure d’un tel « don » sans échanger avec un professionnel ? D’autant plus que cet acte est banalisé par les campagnes de communications de l’Agence de la biomédecine, qui vise spécifiquement les jeunes, dès 18 ans (cf. L’ABM en campagne pour le don de gamètes; Don de gamètes, contraception : les jeunes ne méritent-ils pas qu’on les prenne au sérieux ?). Ils ne semblent d’ailleurs pas dupes, leur adhésion à la pratique est en baisse (cf. Don de gamètes : les jeunes en retrait).
Un acte toujours plus banalisé
Alors que le précédent arrêté limitait le don d’ovocytes à « deux cycles complets »[4] « au cours de la vie d’une femme », l’arrêté du 5 octobre 2023 envisage jusqu’à quatre dons, « en concertation pluridisciplinaire, au cas par cas ». Pourtant les risques existent. Les règles de bonnes pratiques incluent d’ailleurs « l’objectif de diminuer au maximum le risque de syndrome d’hyperstimulation ovarienne » (cf. Syndrome d’hyperstimulation ovarienne : Décès d’une femme de 23 ans).
Mais la demande est là, et il faut la satisfaire (cf. « PMA pour toutes » : les délais s’allongent, les donneurs se font désirer). A tout prix ?
[1] Philosophie Magazine, Ariane Nicolas, “Certaines femmes préfèrent ne pas savoir” (31/05/2024)
[2] Une femme peut le faire dès 18 ans. Pour les hommes, les dons sont autorisés de 18 à 45 ans.
[3] Le texte dispose en effet que « l’information des personnes n’ayant pas procréé est complétée par (…) l’obligation d’un entretien avec un psychiatre ou un psychologue du centre ».
[4] Stimulation ovarienne et prélèvement d’ovocytes en vue du don
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