Don d’ovocytes, don de sperme, l’Agence de la biomédecine y va de son couplet

Publié le 31 Oct, 2018

« Alors je donne, c’est ma façon d’être solidaire ». Cette année encore, du 3 au 18 novembre, l’Agence de la biomédecine promeut le don d’ovocyte et le don de sperme dans une nouvelle campagne[1] en surfant sur les arguments compassionnels (cf. « L’homme de ce temps a le cœur dur et la tripe sensible » (Bernanos) ». « Des spermatozoïdes, j’en ai des millions. Je ne vois pas pourquoi je les garderais tous pour moi, alors que d’autres en ont besoin… Alors… ».

 

Alors la question reste intacte : le don de gamètes est-il un don parmi d’autres ? Donne-t-on ses cellules germinales comme on fait un don sonnant et trébuchant à une association caritative ? « Je sais qu’il y a de nombreux couples qui rêvent d’avoir un enfant et qui n’y arrivent pas. Alors je donne les ovocytes, c’est ma façon d’être solidaire ».

 

Il y a de quoi s’interroger. Dans les témoignages laissés par des femmes ayant fait don de leurs ovocytes sur le site dédié de l’Agence de la biomédecine : dondovocytes.fr, elles disent clairement que l’enfant (ou les enfants ?) qui naîtront de leur don ne sera pas le leur, faisant abstraction de ce qu’elles lui transmettront d’elle-même en termes de maladies, d’antécédents médicaux ou en termes de risques de consanguinité. Soit elles ne sauront jamais, dormant sur un volcan, si les enfants qu’elles ont élevés auront « dans la nature » des demi-frères ou sœurs, soit ceux-ci viendront un jour se rappeler à leur bon souvenir. L’une d’elle explique qu’il ne s’agit que « d’une cellule » qui donne « une chance d’être maman ». Mais quelle cellule ! Quelle puissance ! Elle contient la moitié de ce que sera le futur bébé, une moitié, des enfants nés de PMA avec donneurs l’ont plusieurs fois souligné, qui les interroge sur ce parent absent qui leur a donné jusqu’à leur apparence physique. Si la génétique ne fait pas tout, elle ne fait pas rien non plus. D’ailleurs, une étude menée par l’Agence du 27 août dernier au 3 septembre, montre que pour « pour 35% des hommes et 42% des femmes, l’idée ‘qu’une partie de moi est quelque part dans la nature’ représente un frein non négligeable » au don de gamètes (cf. Audrey Kermalvezen soulève les paradoxes du don de gamètes). Ainsi, à l’heure où le Parlement français s’interroge sur la levée de l’anonymat des donneurs (cf. Né d’un don de sperme, il retrouve son géniteur par généalogie génétique), on conserverait en France encore un peu de bon sens.

 

Et alors qu’on parle déjà de « PMA pour toutes », l’Agence de la biomédecine souligne qu’aujourd’hui, les dons sont inférieurs aux besoins… du marché. Et que pour satisfaire la demande, il faut augmenter l’offre, comme de bien entendu. Aussi, l’ABM se félicite-t-elle d’avoir vu une progression des dons de 40% en 2016 : + 38% pour les ovocytes, + 42% pour les spermatozoïdes. Mais c’est encore insuffisant ! Et, ce qui est assez choquant, l’ABM vise « l’autosuffisance » pour le marché des bébés français.

 

En chiffres, 3000 couples concernés par une infertilité médicale « s’inscrivent chaque année pour bénéficier d’un don d’ovocytes ou de spermatozoïdes ». Pour que la prise en charge soit complète, il faut 1400 dons d’ovocytes et 300 dons de sperme. En 2016, il y a eu 746 donneuses, qui ont permis à 968 couples de recevoir un don d’ovocytes pour 255 naissances. Une femme receveuse d’ovocyte explique : « Ce qui était important pour moi c’était de vivre une grossesse ». Finalement, est-ce que c’était l’enfant qui était important ou le fait de se sentir ronde d’un processus vivant ? Du côté des hommes, on comptait 363 donneurs pour 1760 couples ayant reçu un don de sperme. Ils ont donné naissance à 960 bébés. Soit d’un côté comme de l’autre à des taux de naissances faibles. 

 

En tout état de cause et compte tenu de l’éventuelle ouverture de la PMA à des « conditions sociales » et plus seulement médicales, les campagnes de promotion du don de gamètes ont de belles années devant elles.

 

Pour aller plus loin :

Campagne autour du don de gamètes : l’Agence de biomédecine persiste et signe

L’Agence de biomédecine veut convertir les professionnels de santé au don de gamètes

Les parents d’un donneur de sperme obtiennent un droit de visite pour leur petit-fils

Une campagne inquiétante qui banalise le don de gamètes (1/2)

Une campagne « opaque » sur les enjeux du don de gamètes (2/2)

 

 

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