Don d’organes : la « faiblesse éthique » du consentement présumé

Publié le 21 Juin, 2017

Depuis la loi dite Caillavet du 22 décembre 1976, « tous les sujets décédés selon les critères de l’article R671-7-3 du Code de la santé publique sont présumés donneurs d’organes, sauf s’ils s’y sont opposés de leur vivant ». Ce principe, appuyé par la loi de bioéthique de 2004 élevant le don d’organe au rang de « priorité nationale », a de nouveau été renforcé par la loi santé du 26 janvier 2016. Initialement, cette dernière modification prévoyait d’ « instituer l’inscription au registre national des refus comme mode d’opposition exclusif au prélèvement de ses organes après sa mort ». De fait, elle supprimait « l’obligation faite aux équipes de coordination des prélèvements d’organes de vérifier auprès des proches du défunt que celui-ci n’avait pas émis d’opposition au prélèvement de son vivant », pour la remplacer par « une simple obligation d’information de la famille ». Largement critiquée car « intenable » pour les équipes coordinatrices, des « modalités accessoires de l’expression du refus de prélèvement » ont été créées par décret l’été dernier. Quelques mois plus tard, quelles sont les « conséquences éthiques et pratiques de ces évolutions législatives et règlementaires ? »

 

Les proches du défunt, d’abord écartés « pour des motifs de cohérence juridique, voire pour des raisons idéologiques, sont donc revenus par voie règlementaire ». Une « mesure de strict bon sens », qui peut prendre deux modalités : les proches ayant connaissance du refus de prélèvement du défunt peuvent présenter le moment venu un document daté et signé du défunt, ou retranscrire par écrit le refus oral exprimé en leur présence, par le défunt de son vivant. Si la retranscription écrite du témoignage vise probablement à « responsabiliser le témoin quant à son acte », l’effet sur le nombre de prélèvements est « très hypothétique ».  Le flou persiste dans les situations où la personne n’a rien exprimé de son vivant : « Quelle attitude pratique conviendra-t-il d’adopter devant des proches effondrés par la nouvelle de la mort cérébrale qui se contenteront de témoigner de leur certitude que la personne était opposée au prélèvements, sans être capable de donner plus de précision ? Quelle devra être la conduite des équipes de coordination si des proches de la personne décédée s’opposent au prélèvement au nom d’une croyance ou d’une conviction qu’ils se refusent à déguiser en témoignage factuel ? Puisque personne n’imagine raisonnablement la possibilité que la force publique intervienne pour se saisir d’un cadavre contre l’avis des proches, comment, en pratique, ne pas les acculer à un mensonge par écrit qui serait perçu comme le seul moyen pour sortir de la crise sans affrontement ? »

 

La présomption de non-opposition ou consentement présumé légalise le prélèvement d’organes dans toutes ces situations.  Mais peut-on « faire accepter la réquisition au nom de la volonté du patient mort, puisque, en réalité, il n’a rien exprimé du tout » ? C’est là la « grande faiblesse éthique » de consentement présumé. Sous ce régime, c’est donc « sur le tact et l’expérience des équipes de coordination que repose à la fois le respect des droits des patients et le développement des programmes de prélèvement, dans le dialogue avec les proches des patients décédés ». Or « ce n’est pas leur métier » d’imposer le prélèvement, « un acte qui reste dans l’absolu une transgression éthique ».

Revue générale de droit médical, Robin Cremer (n°63, juin 2017)

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