La psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval et Pauline Tiberghien, gynécologue-obstétricienne et responsable d’un centre d’aide à la procréation, reviennent sur les naissances, cet été, de deux enfants suite à un don d’embryon (cf. revue de presse du 18/06/04). Elles s’interrogent sur "la bombe à retardement qu’est le don anonyme d’embryon", "expérimentation pour le moins hasardeuse dans l’art de donner la vie".
En France, la loi ne prévoit pas de limiter le nombre d’embryons à créer dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation. Les embryons crées mais non réimplantés dans l’utérus maternel sont congelés, ce sont les embryons surnuméraires. On dénombre environ 200 000 embryons congelés et chaque année 20 000 de plus. Ceux qui ne font plus l’objet d’un projet parental peuvent être donnés à un couple stérile. En décembre 2002, 2 826 embryons étaient disponibles provenant de 756 couples suite à une fécondation in vitro.
Geneviève Delaisi de Parseval et Pauline Tiberghien dénoncent les "apories éthiques inextricables engendrées par la loi de bioéthique française" qui interdit la réimplantation post mortem d’embryon dans le cas d’un couple dont le mari est mort, la pratique des "mères porteuses", et le double don de gamètes mais autorise le recours au don d’ovocyte. Pour elles, "la loi bioéthique fait ici de nouveau alliance à la fois avec le mensonge et le déni" en créant pour l’enfant né du don d’embryon une fausse filiation. Les auteurs expliquent que c’est la sacralisation de l’embryon qui a conduit à conserver les embryons surnuméraires et à encourager ainsi le don d’embryons pour ne pas les détruire. Comparant le don d’embryon à l’accouchement sous X, les auteurs de l’article s’interrogent sur les blessures de ces enfants issus d’embryons "donnés-abandonnés" quant à leur origine. Pour elles, "il est irresponsable de sous-estimer les "dommages collatéraux" de cette situation inédite" .
Libération 23/09/04