Distinguer “études de genre” de “théorie du genre”

Publié le 25 Oct, 2011

Le 24 octobre 2011 dans La Croix, Yann Raison du Cleuziou, maître de conférences en science politique à l’Université Bordeaux IV/Sciences-Po Paris, explique les origines de la théorie du genre. Il souligne qu’il est important de savoir précisément ce que contient le concept de "genre" pour un sociologue ou pour un historien avant d’entamer tout débat.

Forgé par des études féministes dans les années 1960, le concept de "genre" désigne "une catégorie grammaticale pour classer les noms, pronoms, adjectifs et verbe en masculin, féminin ou neutre" entendu comme "la signification culturelle que prend le sexe corporel". Ce concept est révélateur de la culture d’une société aux différents moments de son histoire quant à la manière dont est interprétée la différence sexuelle. En effet, il faut en faire le constat : il existe deux sexes et les cultures développent des discours sur ces sexes (définition, qualité, rôle). Le "genre" est donc "cet outil intellectuel qui permet de penser la part variable, culturelle, des identités sexuelles".

En dehors de toute considération morale, il y a effectivement différentes interprétations du masculin et féminin au sens social, selon la culture, l’époque, etc. Il existe même des sociétés où le genre ne correspond plus au sexe, peut en être "affranchi". Dans nos sociétés, ce phénomène renvoie à celui des transsexuels.

Cependant, ce concept est aujourd’hui mobilisé par certains lobbies, au service d’une idéologie. Ainsi des écoles scandinaves nivèlent l’éducation des filles et des garçons pour les laisser libres de choisir leur genre. Ce type de façonnement volontariste et individualiste des identités sexuelles est issu de la pensée du "Queer" de Judith Butler. D’autres utilisent le genre à des vues d’indifférenciation sexuelle. Ces conséquences, exploitation idéologique d’une vérité sociologique, ne falsifient pas pour autant le concept de genre. D’ailleurs, l’anthropologie de Thomas d’Aquin elle-même est compatible avec ce concept : l’homme est à la fois déterminé et indéterminé, et il se perfectionne par ses actes. Or ces actes sont influencés par des règles sociales. Le genre se présente comme une de ces règles.

Pour Yann Raison du Cleuziou, si l’on s’oppose aux usages faits actuellement de la théorie du genre, il faut, pour être crédible, montrer l’usage fécond que l’on en propose. Dans le lexique du Conseil Pontifical pour la famille, Beatriz Vollmer de Coles suggère que l’on use de cette théorie pour "évaluer les genres en fonction de leur capacité à conduire l’homme à sa perfection". Il faut "distinguer ce qui, dans leurs représentations de l’homme et de la femme, est exclusivement culturel de ce qui relève de vérités fondamentales".

Par ailleurs, 193 parlementaires sont signataires d’une lettre adressée au ministre de l’Education, Luc Chatel, demandant le retrait des manuels scolaires de sciences de la vie et de la terre (SVT) de première L et ES (Cf. Synthèse de presse du 13/09/11). Ces ouvrages contiennent en effet des références à la théorie du Genre, quant à la construction sociale de l’identité sexuelle. Hervé Mariton, député UMP de la Drôme et signataire de cette lettre, demande au moins l’assurance, au ministre de l’Education, que les examens du baccalauréat de SVT ne comporteront aucune question liée à la théorie du genre. Il estime que "le ministre met les enseignants et les élèves dans une situation ingérable". Selon lui, l’introduction de la théorie philosophique du genre dans le contexte scientifique pourrait incliner les jeunes à se détourner des sciences et même plus largement affaiblir le combat pour la parité et contre l’homophobie.

Ces inquiétudes manifestées par les parlementaires sont également relayées par Elizabeth Montfort, présidente de l’Alliance pour un nouveau féminisme européen (ANFE ). Le mardi 25 octobre 2011, lors d’une conférence de presse à l’Assemblée nationale, l’ancienne députée européenne a annoncé la publication de son livre, Le Genre démasqué. Homme ou femme ? Le choix impossible… (Ed. du Peuple libre). Il est écrit avec une volonté de redéfinir les termes et d’enrichir le débat actuel autour du genre. Il y explicite la distinction entre "les études de genre", qui s’appuient sur une vérité sociologique d’un concept fécond, de "la théorie du genre", qui est une idéologie véhiculée par certains lobbies. Elle rappelle que cette théorie du genre véhicule une idée fausse qui voudrait que "l’identité sexuelle de la personne se définisse en fonction de sa propre perception, sans prendre en compte le corps sexué", ce qui en fait "un outil pour déconstruire ce qui fonde notre société, ses repères".

La Croix (Yann Raison du Cleuziou) 24/10/11 – Le Figaro (Marie-Estelle Pech) 26/10/11 – La Croix & La Croix.com 26/10/11 – Libération 25/10/11 – Gènéthique 25/10/11

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