Des souris fabriquées après une « fusion » de chromosomes

Publié le 6 Sep, 2022

Des chercheurs de l’Académie des Sciences en Chine ont développé une technique de « fusion de chromosomes ». En la mettant en œuvre, ils ont fabriqué en laboratoire des souris présentant des modifications génétiques correspondant à « un million d’années d’évolution ». Leurs travaux ont été publiés dans le journal Science [1].

Pour fusionner les chromosomes chez la souris, les scientifiques ont utilisé une technologie qu’ils ont d’abord développée chez la levure : ils ont injecté dans des cellules souches embryonnaires de souris haploïdes[2] modifiées (CSEHa) un système CRISPR-Cas9 qui cible et élimine les télomères[3] et les centromères[4] sur deux chromosomes spécifiques. Les chromosomes ciblés se sont alors assemblés.

Trois essais, pas tous concluants

Les chercheurs ont testé trois fusions différentes [5]. Ils ont ensuite tenté de fabriquer des souris avec ces nouveaux caryotypes haploïdes, en injectant une CSEHa, obtenue après fusion, dans un ovocyte de souris non modifiée.

Ils ont alors dû faire face à un problème. Les cellules étaient porteuses d’une empreinte génétique : les gènes maternels étaient épigénétiquement réduits au silence (cf. L’empreinte génomique parentale et la « symphonie de la vie »). Les chercheurs ont donc éliminé trois gènes d’empreinte dans les CSEHa, ce qui a résolu le problème. Selon Harmit Malik, biologiste de l’évolution au Fred Hutchinson Cancer Center de Seattle, qui n’a pas participé à l’étude, « maintenant que les chercheurs ont surmonté le phénomène d’empreinte, “le monde leur appartient en matière de génie génétique” ».

Certaines souris ne se sont pas développées. D’autres ont atteint l’âge adulte mais sont restées stériles et « montré un niveau élevé d’anxiété ». Pour les dernières, la fusion a été transmise à la descendance, après accouplement avec des souris non modifiées. Cependant leur capacité à se reproduire a été affectée [6].

Des perspectives pour l’homme ?

Les fusions chromosomiques sont fréquentes dans le cancer, et ont été associées à des problèmes de santé, comme l’infertilité ou des maladies infantiles. Pour Harmit Malik, « cette boîte à outils sera utile aux chercheurs en cancérologie, qui peuvent désormais modéliser les “réarrangements assez spectaculaires du génome” qui se produisent dans les cellules cancéreuses ».

 

[1] Li-Bin Wang et al, A sustainable mouse karyotype created by programmed chromosome fusion, Science (2022). DOI: 10.1126/science.abm1964www.science.org/doi/10.1126/science.abm1964

[2] Cellules disposant d’un jeu unique de chromosomes

[3] Les télomères sont des régions hautement répétitives de l’ADN, situées à l’extrémité de chaque chromosome.

[4] Le centromère est la région de contact des deux chromatides d’un chromosome.

[5] Pour deux d’entre elles, les chercheurs ont fusionné les deux plus longs chromosomes de souris (Chr1 et Chr2), mais dans l’une des fusions, le deuxième chromosome était inversé (Chr2+1), au lieu d’être à l’endroit (Chr1+2). La troisième configuration assemblait « des chromosomes de taille moyenne – 4 et 5 – tête-bêche ».

[6] Leurs portées étaient de petite taille.

Sources : Phys.org, Chinese Academy of Sciences (25/08/2022) ; The Scientist, Natalia Mesa (25/08/2022)

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