Des scientifiques britanniques veulent autoriser les Bébés Génétiquement Modifiés

Publié le 20 Juil, 2018

L’utilisation de CRISPR sur l’embryon modifie non seulement l’embryon concerné, mais apporte aussi des modifications définitives à tous les descendants. Felicity Boardman, professeur en sciences sociales et systèmes de santé à l’Université Warwick en Angleterre alerte sur les dangers inhérents à l’utilisation de cette technologie sur l’embryon humain. Elle-même porteuse d’une maladie génétique, elle déplore la potentielle suppression totale de certaines maladies de l’humanité, altérant son essence-même. Elle s’insurge contre l’élimination par principe des embryons porteurs d’anomalies génétiques, sans aucune prise en compte de qu’auraient pu devenir ces personnes. « Le fait de jeter un embryon ou un fœtus sur la seule base d’un trait génétique suggère qu’il n’y a rien d’autre à savoir sur cette vie potentielle. Que leur condition génétique est si terrible et intolérable qu’elle rend toute autre information à leur sujet non pertinente. Leur potentiel d’être un futur musicien, astronaute ou auteur, leur résilience et leur sens de l’humour sont toutes des choses qu’un test génétique ne peut pas révéler, et pourtant toutes ces choses peuvent être éclipsées par un seul trait pathogène ».

 

Actuellement, quand des parents porteurs d’une maladie génétique ne souhaitent pas la transmettre à leurs enfants, ils se voient proposer trois solutions : une FIV avec des donneurs de gamètes, un diagnostic pré-implantatoire – avec suppression systématique de tous les porteurs – ou un diagnostic prénatal – avec IMG à la clé. A première vue la modification du génome permettrait de contourner ces solutions destructrices qui « empêchent de venir au monde des vies qui auraient pu être enrichissantes ». Mais en modifiant l’embryon,  CRISPR modifie aussi toutes les générations suivantes, « apportant des changements permanents au modèle même de l’existence humaine ». Felicity Boardman appelle à « considérer le prix que nous sommes prêts à payer pour cela », et à nous interroger sur les moyens de définir les limites entre ce qui doit être corrigé et ce qui n’a pas besoin de l’être : uniquement pour prévenir des maladies génétiques ou aussi pour améliorer le bien-être personnel et optimiser la race humaine ? Pour mieux supporter les changements climatiques par exemple ?

 

Le Nuffield Council of Bioethics, un organisme britannique indépendant composé de scientifiques et d’experts, a publié cette semaine un rapport suscitant la polémique, jugeant que la manipulation génétique des embryons était « moralement acceptable ». Certes le rapport plaide pour une utilisation contrôlée de la technique, mais valide le processus aussi bien pour éviter les maladies génétiques que « pour des visées plus superficielles ». Il parle d’un « usage cosmétique » comme « augmenter la taille ou changer la couleur des yeux ou des cheveux », tout à fait envisageable « à condition que cela donne de meilleures chances de réussite à l’enfant ». Ce critère reste très flou et ouvre la porte à toute sorte de « modifications socialement avantageuses » et à la course à l’amélioration de l’intelligence…

 

Et qu’en est-il des conséquences encore inconnues de CRISPR qui, lorsque nous commencerons à les découvrir, seront déjà transmises à plusieurs générations d’êtres humains, avec impossibilité de faire machine arrière ?

 

Le rapport aborde aussi la question des conséquences sur la société globale, mais balaye les problèmes en annonçant que « les manipulations génétiques ne devraient pas augmenter les inégalités, les discriminations et les divisons dans la société ».

 

Le Nuffield Council of Bioethics avait déjà donné son feu vert à des techniques controversées comme la  « FIV à trois parents »[1] au Royaume-Uni, que, sur cet avis, le gouvernement a autorisé. Les premiers bébés issus de cette technique verront le jour fin 2018 ou début 2019.

 

Aujourd’hui, le cadre de la recherche, le droit anglais permet de modifier des embryons humains avec obligation de les détruire au 14ème jour. Il est interdit de transférer dans un utérus des embryons génétiquement modifiés à des fins de grossesse. Le Nuffield Council of Bioethics se prononce pour « que cette procédure devienne légale ».

 

Ce rapport est une « véritable honte » pour le professeur David King, directeur du groupe Human Genetics Alert : « Les citoyens britanniques ont décidé il y a 15 ans qu’ils ne voulaient pas de nourriture OGM. Pensez-vous qu’ils souhaitent des bébés génétiquement modifiés ? ».

 

Voir aussi :

Introduire des modifications génétiques dans l’embryon en modifiant le sperme humain avec CRISPR ?

CRISPR : vers l’édition génétique du sperme humain ?

CRISPR-Cas9, le « ciseau génétique », responsable de centaines de mutations incontrôlées

Jacques Testart : « Quelle logique est en jeu dans cet acharnement à exiger que l’embryon humain soit livré à la recherche ? »  

Etats-Unis : premiers embryons humains modifiés génétiquement

 

 

[1] cf. Un bébé, 3 ADN, 3 transgressions.

 

The Independant, Felicity Boardman (17/07/2018) – As someone with a genetic condition, I’m worried genome editing might be used to make permanent changes to the blueprint of human existence

MaxiSciences, Hugo Dugast (19/07/2018) – Bientôt des bébés génétiquement modifiés ? Un conseil britannique rend un avis favorable

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