A l’aide d’interfaces cerveau-ordinateur (BCI pour “Brain computer interface“), les scientifiques apprennent à traduire les signaux du cerveau de personnes paralysées en mots et en phrases pour leur permettre de communiquer.
Une première étude, publiée l’an dernier dans The New England Journal of Medecine, avait démontré que le système de microélectrodes implantées à la surface du cerveau d’un patient lui permettait de taper des mots sur un écran en essayant de les prononcer. L’algorithme utilisé a permis de construire correctement, dans 75% des cas, des phrases à partir d’environ 50 mots (cf. Une “neuroprothèse vocale” permet à un homme muet de communiquer par phrases).
Une avancée intéressante
Une nouvelle étude de cette même équipe, publiée dans Nature Communications [1], va plus loin en utilisant cette fois l’alphabet phonétique de l’OTAN. Les chercheurs ont constaté qu’avec ce système le signal est plus fort, et conduit à une plus grande précision. « La plus grande avancée par rapport à nos travaux précédents est l’augmentation du vocabulaire » explique David Moses, co-responsable de l’étude. « Notre participant a accès à plus de 100 mots, et dans des analyses hors ligne, nous avons montré que le système peut généraliser à plus de 9 000 mots, ce qui dépasse le seuil de maîtrise de base de l’anglais » ajoute-t-il.
L’étude a aussi prouvé que le système peut décoder des mots sans avoir besoin d’une « sortie vocale ». Une avancée intéressante car « l’effort pour essayer de vocaliser peut être très fatigant ». « Cela peut également nous permettre d’étendre la technologie à un plus grand nombre d’utilisateurs » expliquent les chercheurs.
L’année dernière, une autre étude[3] menée par des scientifiques de l’université de Stanford, et publiée dans Nature, avait par ailleurs démontré que le système peut permettre de traduire les pensées d’une personne s’imaginant en train d’écrire des mots avec un stylo (cf. Une interface cerveau-machine pour écrire uniquement par la pensée). En mars, la technologie d’interface cerveau-ordinateur a ainsi été utilisée pour la première fois pour permettre à un patient, sans aucun contrôle musculaire volontaire et paralysé, de communiquer avec des phrases complètes (cf. Locked-in Syndrome : communiquer grâce à une interface cerveau-ordinateur).
Des systèmes à parfaire
Ces systèmes sont encore loin de produire une parole naturelle en temps réel à partir de pensées continues, même si « c’est probablement à notre portée maintenant » estime Anna-Lise Giraud, directrice de l’Institut de l’ouïe à l’Institut Pasteur.
Un autre défi de taille subsiste par ailleurs pour que les BCI soient plus largement utilisables : « trouver le meilleur compromis entre invasivité et performance » comme le souligne Anna-Lise Giraud. Des chercheurs travaillent donc à la construction d’électrodes de surface haute densité de nouvelle génération qui élimineraient le besoin de chirurgie et de matériel accessoire encombrant.
[1] Generalizable spelling using a speech neuroprosthesis in an individual with severe limb and vocal paralysis
Sources : Bioedge, Michael Cook (22/11/2022) ; Stat news, Megan Molteni (08/11/2022)