Des critères de mort

Publié le 17 Nov, 2008

Pierre-Olivier Arduin, responsable de la commission bioéthique du diocèse de Fréjus-Toulon, revient dans Liberté Politique sur les critères de la mort et les prélèvements d’organes.

Il rappelle la polémique qu’a entraîné l’article du 2 septembre dernier de l’Osservatore Romano (cf. Synthèse de presse du 04/09/08) qui remettait en cause les critères actuels de définition de la mort.

En France, il est stipulé qu’en cas d’arrêt cardiaque ou respiratoire persistant, trois examens cliniques sont nécessaires pour s’assurer du décès : "absence totale de conscience et d’activité motrice spontanée, abolition de tous les réflexes du tronc cérébral, absence totale de ventilation spontanée".  Pour s’assurer du caractère irréversible de la mort encéphalique, on effectue, à quatre heures d’intervalles, deux électroencéphalogrammes (EEG) qui doivent être plats ou l’on pratique une angiographie encéphalique confirmant l’arrêt de la circulation sanguine. Lucetta Scaraffia de l‘Osservatore Romano contestait que "l’idée que la personne humaine cesse d’exister quand le cerveau ne fonctionne plus, alors que son organisme, grâce à la respiration artificielle, est maintenu en vie, comporte une identification de la personne avec ses seules activités cérébrales".

Rappelons ce que dit l’Eglise en la matière. En août 2000, Jean-Paul II rappelait que les membres de l’équipe médicale ayant la responsabilité de diagnostiquer la mort pouvaient utiliser le nouveau critère [critère cérébrale] "au cas par cas pour atteindre ce degré d’assurance dans le jugement éthique que la doctrine morale qualifie de certitude morale". Cependant, il ne faut pas réduire la personne à son cortex cérébral. Il faut prouver que c’est l’intégralité de l’encéphale qui est concerné, et ce de manière absolument irréversible.

Benoît XVI intervenait, le 7 novembre dernier, sur le sujet devant les participants d’un congrès international sur le don d’organes qui s’est déroulé à Rome sous l’égide de l’Académie pontificale pour la vie, de la Fédération mondiale des associations médicales catholiques et du Centre italien de transplantations (cf. Synthèse de presse du 10/11/08). Il a rappelé à cette occasion que les techniques de transplantation d’organes constituaient "une grande conquête scientifique et un grand espoir pour tant de malades graves". Il a parlé à ce sujet d’une "culture du don et de la gratuité". Il s’agit d’un véritable "acte d’amour que l’on exprime par le don de ses organes vitaux", "un témoignage de charité qui sait regarder au-delà de la mort pour que la vie l’emporte toujours". Il a précisé qu’il était nécessaire "de lever les préjugés et les malentendus, de dissiper les méfiances et les peurs pour les remplacer par des certitudes et des garanties pour permettre une prise de conscience de plus en plus large du grand don de la vie". Benoît XVI a confirmé les propos de son prédécesseur en rappelant que "récemment, la science a fait de grands progrès dans le constat de l’état de mort et a ajouté : "là où la certitude n’est pas encore atteinte, le principe de précaution doit prévaloir."C’est pourquoi il a demandé que "les résultats obtenus reçoivent le consensus de la communauté scientifique toute entière pour favoriser la recherche de solutions qui donnent une certitude à tous".Toute décision arbitraire doit donc être bannie car il n’est jamais permis d’agir avec une conscience douteuse.

Comme le signalait la lettre mensuelle Genethique du mois de septembre, l’Agence de la biomédecine autorise, depuis octobre 2006, à titre expérimental, des prélèvements d’organes sur des personnes en état d’arrêt cardiaque "pour augmenter le nombre de donneurs potentiels". Selon l’argumentation du pape, en l’absence d’unanimité dans la communauté des spécialistes des transplantations et en s’appuyant sur le principe de précaution, ne faudrait-il pas surseoir momentanément à ces pratiques de prélèvement à cœur arrêté permises "en toute discrétion" ?

Enfin, Benoît XVI condamne "les abus de greffes et le trafic d’organes dont les victimes sont souvent des personnes innocentes comme les enfants", mais fait valoir que ce principe éthique s’applique de la même manière "lorsqu’on veut créer et détruire des embryons humains à des fins thérapeutiques".

Pour conclure, Pierre-Olivier Arduin, rappelle les propos du cardinal Ratzinger en 1991, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, lors d’un consistoire sur le thème des menaces contemporaines à la vie humaine, qui affirmait : "plus tard, ceux que la maladie ou un accident feront tomber dans un coma irréversible, seront souvent mis à mort pour répondre aux demandes d’organes". Il rappelle qu’aux Pays-Bas, au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis, il est possible de prélever des organes chez des personnes placées dans un contexte de prise en charge médicalisée et dont la situation conduit à une décision médicale d’arrêt de traitement. Il craint alors que dans certains pays, où la pénurie de greffons est chronique, on ne précipite intentionnellement la mort du patient dans le but de lui prélever ses organes.

Libertépolitique.com (Pierre-Olivier Arduin) 14/11/08 – Medhyg (Jean-Yves Nau) 14/11/08

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