Dernières auditions de la Commission spéciale bioéthique : une détermination que l’on peut craindre…

Publié le 19 Sep, 2019

Vendredi soir, la Commission spéciale de bioéthique examinait les articles concernant la recherche sur les cellules souches embryonnaires, ainsi que celle sur le diagnostic préimplantatoire.

 

L’examen du projet de loi bioéthique débutera mardi 24 après-midi en séance publique à l’Assemblée nationale pour s’étendre sur 15 jours. Les députés préparent la séance, et ils ont jusqu’à demain vendredi 17h pour déposer leurs amendements sur le texte modifié par la commission spéciale.

 

La dernière journée des débats en commission spéciale, vendredi dernier, a porté sur deux sujets phares qui seront abordés en séance publique : la recherche sur l’embryon et le diagnostic préimplantatoire de la trisomie 21. Retour sur ces débats qui feront l’objet d’un bras de fer dans l’hémicycle la semaine prochaine.

 

La recherche sur l’embryon humain : le parti pris déshumanisant du gouvernement

 

Vendredi dernier, les députés ont examinés les articles 14 et suivants.

 

Pour rappel, ces articles du projet de loi prévoient principalement :     

  • de dissocier la recherche sur l’embryon de celle sur les cellules souches embryonnaires (CSEh) afin de faciliter cette dernière en ne la soumettant plus qu’à une simple déclaration,             
  • de confirmer la recherche biomédicale en AMP qui porte sur les gamètes ou l’embryon humain avant transfert,
  • d’étendre la durée de culture in vitro de l’embryon humain à 14 jours (contre 7 actuellement),
  • de créer des gamètes artificiels et des modèles embryonnaires à partir de cellules souches embryonnaires humaines ou de cellules pluripotentes induites (iPS).              
  • de lever les interdits de création d’embryons transgéniques et chimériques animal-homme.              

La ministre de la recherche, Frédérique Vidal, appuyée par plusieurs députés, a de nouveau tenté de convaincre, expliquant que la recherche sur les CSEh ne posait pas de problème éthique, celle-ci ne détruisant pas d’embryon. Elle a omis de préciser que, pour obtenir des lignées de cellules souches embryonnaires humaines, sur lesquelles porteront les recherches, il faut prélever à l’origine une ou plusieurs CSEh de l’embryon lui-même. Une procédure qui implique la destruction d’un embryon. Le principe de la recherche sur les CSEh repose donc sur la destruction d’un embryon humain. Le problème éthique reste entier.

 

On peut noter la patience et la détermination de deux députés Les Républicains qui ont courageusement mis le doigt sur le parti pris du projet de loi pour la recherche sur l’embryon, sur l’impasse faite sur les alternatives existantes (iPS), la recherche  sans limite à partir de l’embryonnaire ne s’appuyant sur aucun élément concret. Patrick Hetzel (député LR) a fait remarquer au gouvernement qu’aucun bilan sur la recherche biomédicale en AMP (votée en 2016), n’a été publié, et qu’on ne sait pas ce que sont ces recherches. Thibault Bazin (LR) rappelle l’existence des cellules iPS, reconnue comme alternative, de façon consensuelle pour l’industrie pharmaceutique, et de façon concrète pour la thérapie cellulaire, comme en témoigne les essais cliniques au Japon, leader en la matière. Mais malgré les arguments de ces députés, Frédérique Vidal et Philippe Berta (rapporteur de la Commission pour cet article, MoDem) s’accordent sur des arguments périmés selon lesquels ces cellules ne sont pas utilisables en clinique aujourd’hui du fait de leur modification génétique, et de la mémoire épigénétique. Ces problèmes ont été résolus par la communauté scientifique il y a déjà plusieurs années.

 

On peut noter encore, l’inquiétude légitime exprimée par Thibault Bazin quant à l’avancée vers l’utérus artificiel, puisque l’extension de conservation in vitro de l’embryon humain à 14 jours ne repose sur aucune réflexion éthique, mais sur la seule faisabilité scientifique. Encore une fois, les députés LREM désamorcent l’argument en entretenant le flou sur la définition de l’utérus artificiel.

Aucun amendement des députés Les Républicains n’est retenu sur le sujet.

 

Seul l’amendement de Philippe Berta et Marc Delatte (LREM) autorisant l’insertion de cellules souches embryonnaires humaines dans un embryon animal avec transfert chez la femelle est adopté. La naissance d’animaux porteur de cellules souches embryonnaires humaines sera donc rendu possible… No limit.             
 

L’extension du diagnostic préimplantatoire à la trisomie 21, le poids du lobby de la médecine génomique

 

L’autre point majeur de cette dernière séance en commission a été provoqué par l’amendement n°1632 déposé par Philippe Berta. Celui-ci propose « à titre expérimental », une extension du diagnostic préimplantatoire aux aneuploïdies[1], c’est-à-dire notamment à la trisomie 21. Le sujet est d’importance, car cela signifierait qu’à l’occasion des fécondations in vitro où sont recherchées la maladie génétique héréditaire des parents, on recherche aussi la trisomie 21 (par ex.) des embryons créés, et qu’ils seraient jetés en cas de trisomie 21. Autrement dit, il s’agit d’un tri chromosomique, qui repose sur l’idée que la vie d’une personne trisomique 21 ne vaut pas la peine d’être vécue, et qu’elle doit être d’emblée rejetée par notre société. De façon inattendue, l’avis du gouvernement, par la voix d’Agnès Buzyn, est défavorable à cette extension. Agnès Buzyn rappelle, comme elle l’a fait lors de son audition (cf. Audition des ministres sur la loi de bioéthique : un ton apaisé, des dérives éthiques majeures), la dérive eugénique que créerait une telle mesure. Philippe Berta argumente violement comparant certains patients trisomiques 21 à des « légumes ». Finalement, après un échange délétère sur les personnes trisomiques 21, Marc Delatte se décide à prendre la parole, et la voix remplie d’émotion, témoigne : « J’ai été médecin de famille pendant longtemps, […] j’ai revu Lorraine, elle est atteinte de trisomie 21, elle m’a dit qu’elle était contente de me voir, et m’a dit « j’ai un CDI ». [silence] Mais dans quelle société on vit ? Quelle dignité ? »… Le témoignage secoue les députés présents. Mais l’amendement de Philippe Berta n’est rejeté que de justesse : à 10 voix contre 8. Un soulagement certes, mais il est certain que le sujet sera repris en séance avec une détermination que l’on peut craindre.



[1] Anomalies du nombre des chromosomes.

 

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