Dernier avis du CCNE : « Repenser l’approche de la génétique »

Publié le 26 Jan, 2016

Le CCNE avait annoncé que son avis n°120 d’avril 2013 sur « les questions éthiques associées au développement des tests génétiques fœtaux sur sang maternel » était la première étape d’une réflexion plus vaste sur l’ensemble des questionnements associés à la généralisation du séquençage d’ADN à haut débit et à ses implications médicales et sociétales. L’avis n°124 rendu public le 21 janvier dernier traite donc de l’« évolution des tests génétiques permise par le séquençage d’ADN à très haut débit »[1]. Est-il à rapprocher du premier ?

 

La lecture de ces quatre vingt pages évoque « beaucoup de mots, des tableaux et pas de conclusions »[2]. Le CCNE n’émet en effet aucune recommandation, mais « propose une réflexion d’amont sur les conditions pour qu’un système de régulation soit efficace et respectueux des personnes ». L’objectif est de « dire au législateur, à la société, aux professionnels qu’il faut repenser l’approche de la génétique ».

 

Depuis le premier avis du CCNE sur les tests génétiques (1985), les possibilités techniques ont changé d’échelle, mais sur le fond, les questions éthiques n’ont pas varié : gestion des données et droit à la vie privée, difficulté d’anonymiser les données personnelles génétiques, consentement et autonomie, droit de ne pas savoir, notamment lorsqu’on peut prédire une maladie sans avoir les moyens encore de la soigner. Le stockage des données générées par le séquençage à haut débit soulève également des enjeux de pouvoirs avec l’émergence de nouveaux opérateurs, peu au fait des problématiques de la santé ou de l’éthique. En effet, on assiste aujourd’hui à une « marchandisation croissante » de la technique et les investisseurs sont entrés dans la course pour en « tirer profit ». Comment trouver un équilibre entre la protection des données, la solidarité, et la participation à la science ? Car le génome est à la frontière de l’intimité de la personne et du bien commun[3].

 

Si les progrès de séquençage ont été fulgurants, l’interprétation des données obtenues n’en est qu’à ses débuts et il ne faut pas oublier que « la complexité du vivant ne saurait être réduite à la seule séquence d’ADN ». « Le mythe du gène support du programme de la vie est tel que cela conduit à l’illusion qu’une connaissance parfaite du génome d’un individu donnerait accès à la réalité et au destin d’une personne. Une telle conception est scientifiquement inacceptable et éthiquement dangereuse  », lit-on dans ce rapport. Et plus loin : « Il s’agit de ne pas transformer un être humain en un être enfermé dans son statut génétique, avec le risque de sacralisation du gène que cela comporte ». Pourtant, dans le cadre du dépistage prénatal, ne réduit-on pas la vie à naître à quelques chromosomes ? Ce qui est juste pour un test génétique chez un adulte ne devrait-il pas l’être pour un enfant à naître ?

 

Enfin, le CCNE appelle dans ce dernier avis à repenser la génétique. Il offre une conclusion différente de celle de l’avis 120, où la pertinence des tests de dépistage prénatal n’était pas remise en question. Un sujet que le CCNE n’aborde pas dans l’avis 124 mais qui pourrait faire partie de la réflexion plus large à laquelle il invite. Aussi, à la veille de l’intégration du DPNI dans notre politique de dépistage, les mises en garde du CCNE pourrait aisément s’appliquer : « Banalisation et généralisation sont dans tous les domaines des facteurs de dérives, ce qu’un certain langage éthique qualifie de pente glissante vers une société qui imposerait une prévention, qui catégoriserait et discriminerait sur une base scientifique ».

 

Note Gènéthique: Le séquençage de notre génome sera-t-il demain un soin de santé ?

 

 

[1] Toutefois il n’aborde pas encore les questionnements éthiques liés aux méthodes d’intervention sur l’ADN humain, rendus accessibles aujourd’hui avec la technique CRISPR Cas9.

[2] Jean Yves Nau, 21/01/2016.

[3] « Le génome humain sous-tend l’unité fondamentale de tous les membres de la famille humaine, ainsi que la reconnaissance de leur dignité intrinsèque et de leur diversité. Dans un sens symbolique, il est le patrimoine de l’humanité ». Déclaration Universelle sur le génome humain et les Droits de l’Homme (1997), article 1er.

 

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