Déjà trop d’euthanasies en France encouragées par la réduction des dépenses de santé

Publié le 29 Jan, 2013

 Nicole Delepine, responsable de l’unité d’oncologie pédiatrique de l’hôpital universitaire Raymond, publie un dossier dans Economie matin sur le sujet : "L’euthanasie, ou la réduction radicale des dépenses de santé". Dénonçant déjà trop d’euthanasies en France, elle décrypte le glissement de notre pays vers l’euthanasie, et explique pourquoi il ne faut pas la légaliser, ce projet étant poussé par des raisons plutôt économiques que compassionnelles.

Tout d’abord elle rappelle que l’euthanasie, bien qu’illégale, est déjà pratiquée en France : "3,1% des décès font suite à un acte visant délibérément à abréger la vie, par un arrêt du traitement ou une intensification de la sédation. Dans 0,8% des décès, des médicaments ont été administrés afin de donner la mort (dont 0,2% seulement à la demande du patient)". Bien qu’illégale, l’euthanasie est pratiquée, selon l’Institut national d’études démographiques (Ined), "dans un nombre significatif de cas sans la demande du patient […]et concerne particulièrement les malades souffrant de cancer". Ces trop nombreuses "morts précipitées" interpellent Nicole Delepine. Elle en explique les raisons : "le gouvernement et en miroir les soignants voire les familles ont pris l’habitude de décider de ce qui est bon pour le malade. Dans les réunions hospitalières  […]on a l’habitude d’entendre au nom de la toute puissance collégiale :"cette vie ne vaut pas la peine d’être vécue" ou "pourquoi réanimer cette enfant handicapée?". Elle dénonce l’utilisation des souffrances des familles pour les amener à prendre la décision de fin de vie de leur proche qui en réalité a été choisie par les médecins eux-mêmes. Il s’agit, pour elle, d’une véritable mise en condition pour légaliser l’euthanasie.

Ensuite, Nicole Delepine explique que si les partisans à la légalisation de l’euthanasie ne font pas des soins palliatifs un réel argument, et écourtent eux mêmes les possibilités de traitement potentiellement curatifs, c’est bien qu’il y a une autre explication que la compassion, la dignité, la liberté de choix misent en exergue pour obtenir un consensus "pro euthanasie". Le réel argument pour légaliser l’euthanasie reste, selon elle, le même que celui qui encourageait les campagnes de 1990 mettant en avant les soins palliatifs et les plaçant en concurrence avec le traitement du cancer par exemple. "On avait vite compris à l’époque que la morphine coute quelques euros et la chimiothérapie des centaines". La vraie raison serait donc là : "Les hôpitaux sont "encombrés" de patient vieux, fatigués, malades peut-être incurables[…] les établissements hospitaliers sont en déficit. Il faut réduire les coûts, donc les hospitalisations […] Alors accélérer les fins de vie en le présentant comme un choix humain et compassionnel, n’est ce pas un belle idée de gestionnaire, inavouable […] à la population". Elle rappelle que la grande vague de médiatisation pour la diminution des dépenses de santé ne date pas d’hier, mais de 1995, où l’on a commencé à voir les fusions d’hôpitaux, les fermetures de petites maternités et des hôpitaux de proximité… "Cela a radicalement modifié le paysage de la santé".
Les six derniers mois de vie sont donc les plus simples à abréger observe-t-elle en dressant un schéma rapide de ceux-ci: soins palliatifs d’abord, arrêt des traitements couteux de chimiothérapie au prétexte d’obstination déraisonnable ensuite, puis l’euthanasie passive ou active, "mais toujours discrète, inavouée, innommée".

Il s’agit pour elle des "effets pervers d’une loi bien équilibrée dans les textes mais dont l’application dépasse déjà ses buts" (l’auteur parle de la loi Léonetti : ndlr), mais aussi de l’intégration de la tarification à l’activité, le célèbre T2A mis en place dans les hôpitaux et qui révéla progressivement que seuls "les actes" payaient. "Règne […] du quantitatif cette tentative a priori saine de payer les hôpitaux en fonction du travail fourni réellement eu rapidement ses effets pervers et fut détournée de ses objectifs". Avec le T2A, les activités humaines auprès du patient (toilette, écoute, consolation…) n’étaient donc plus valorisées. L’exigence est devenue la rentabilité. Les séjours courts une obligation. "Il a fallu raccourcir la durée des hospitalisations en soins palliatifs aussi". Alors ceux qui seraient plus long à partir "seraient conditionnés et surtout se sentiraient de trop, gênants, pesant sur la société et leurs proches…ils creusent le trou de la sécu ". 
"Alors que signifie une demande d’euthanasie si tant est qu’elle existe, sinon une sensation d’être un poids pour la société ou sa famille" interroge Nicole Delepine. Selon Lucien Israël la demande d’euthanasie est rare et exceptionnelle chez les malades correctement pris en charge.

Enfin, conclut-elle, la légalisation de l’euthanasie est très dangereuse, il n’y a "pas d’angélisme, ni de garde fou possible" . "Il faut que les patients se rendent compte des dangers de donner quitus à tous ceux qui pratiqueront l’euthanasie à la demande".
L’euthanasie peut-être un "business" comme en Suisse où "l’assistance au suicide s’élève à au moins 10 000 euros pour le séjour fatal de trois jours" dénonce-t-elle.
Le rapport Sicard de 2012 cite l’Ined qui précise que la loi Léonetti a déjà aboutit à la multiplication des euthanasie en France sans l’accord de volonté du patient, faut-il aller plus loin? interroge-t-elle.

Nicole Delepine appelle à réaliser un "arrêt sur image" pour réfléchir collectivement sur la valeur et le sens de la vie humaine pour toujours garantir le respect des personnes les plus vulnérables.

 economiematin.fr 30/01/13

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