Décryptage “Gènéthique” de l’enquête confidentielle réalisée par l’Académie Nationale de Médecine et le Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français

Publié le 22 Juil, 2013

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Les gynécologues obstétriciens français adhérents au Collège National des Gynécologues Obstétriciens français (CNGOF) ont reçu cette semaine une “enquête confidentielle” pour recueillir leur expérience et leur opinion sur l’accès à l’Assistance médicale à la Procréation pour les couples de même sexe en France. Cette enquête réalisée par l’Académie Nationale de Médecine, avec l’aide du Collège National des Gynécologues Obstétriciens Français, et portée par les professeurs Pierre Jouannet (1) et Roger Henrion (2) , s’inscrit dans le cadre d’un groupe de réflexion mis en place par l’Académie de Médecine sur l’ouverture éventuelle de l’AMP et de la GPA en France pour les couples homosexuels.

Dans le contexte de tension crée par la loi sur le mariage pour tous du fait notamment de ses conséquences éventuelles sur la PMA et la GPA pour les couples de même sexe, il est fort étonnant de voir qu’un groupe de travail de l’Académie Nationale de Médecine se saisisse du sujet dans le plus grand secret interrogeant les praticiens sur leurs activités dans le domaine. Cela est d’autant plus surprenant que les citoyens, eux, ne seront consultés par le biais des Etats généraux organisés par le Comité Consultatif National d’éthique qu’au début de l’année 2014.

Force est de constater que, malgré une lettre d’accompagnement qui prétend rester au stade de la réflexion, l’Académie de Médecine amorce une enquête très concrète pour prendre la température des praticiens, et élaborer des statistiques sur ce qui se pratique en fait en France. Les questions de l’enquête, elles, sont particulièrement orientées : on peut y lire la demande d’aveu des professionnels qui ont conseillé des couples homosexuels en vue d’une AMP réalisée en France ou à l’étranger, ou en vue d’une GPA réalisée en France ou à l’étranger.  Ou bien encore, le questionnaire demande si ces professionnels ont participé activement à ce type de procédés en France, sans d’ailleurs mentionner qu’ils sont illégaux.

Comment ne pas penser, que l’objectif réel de cette enquête s’inscrit dans la même logique que la circulaire Taubira sur la GPA, c’est à dire qu’elle se propose de partir de la réalité de quelques cas contra legem, pour faire changer la loi ? Comment l’Académie Nationale de Médecine peut-elle demander à ses propres confrères d’avouer des comportements qui leurs sont parfaitement interdits, et considérés à ce jour contraire à la déontologie médicale et à l’ordre public français ? La direction générale de la santé, relayée par l’Ordre national des médecins, le 21 décembre 2012, avait d’ailleurs explicitement rappelé qu’un praticien qui se prêtait à ce type de conseils risquait cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

La démarche confidentielle de l’Académie Nationale de médecine ne peut qu’éveiller des soupçons.

Il semble que l’existence de ce groupe de réflexion sur de tels enjeux sociétaux, ainsi que la sollicitation des professionnels de santé concernent tout autant les citoyens que les experts, et méritent d’être connues. Concours de circonstances, ou opportunisme, au lendemain de la réception de l’enquête, les médecins sont invités par ailleurs à visiter le site “Médecins gays friendly”, annonçant l’ouverture d’un réseau de médecins sympathisants à la cause gay en septembre 2013.  La loi n’a pas encore changé, et le débat  pas encore commencé,  que tout est déjà fait pour déculpabiliser les praticiens qui orienteraient des couples homosexuels vers la PMA et la GPA.

 

(1) Spécialiste de biologie de la reproduction humaine et de l’assistance médicale à la procréation, membre titulaire des Commissions “ I biologie” et “X reproduction et développement” de l’Académie Nationale de Médecine 
(2) Spécialiste de la gynécologie obstétrique, membre titulaire de la commission “X reproduction et développement” de l’Académie Nationale de Médecine et membre du groupe de travail actif sur l’assistance médicale à la procréation en prison.
 

 Gènéthique

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