Dans une ambiance houleuse, les députés ont procédé à l’examen de deux propositions de loi (cf. GPA : Débats tendus pour deux propositions de loi qui mettent le gouvernement sur la sellette). Le député Les Républicains de la Manche Philippe Gosselin demandait l’introduction dans la constitution du « principe d’indisponibilité du corps humain ». De son côté, Valérie Boyer, députée Les Républicains des Bouches-du-Rhône, proposait une loi visant à « lutter contre le recours aux mères porteuses » (cf. [Décryptage] Des députés vent debout contre la GPA ).
Le gouvernement ne sort pas de l’ambigüité
Le gouvernement était représenté par Jean-Marie Le Guen, Secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé des Relations avec le Parlement, visiblement propulsé dans un débat qu’il ne maîtrisait pas et qu’il a dû subir. Ni Marisol Touraine, Ministre de la santé, ni Laurence Rossignol, Ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, ne sont apparues, manifestant ainsi le peu d’intérêt qu’elles portaient à la question. Peu de députés de la majorité étaient présents et leurs interventions ont laissé l’impression d’un malaise. Ils répéteront à l’envi tout au long de l’après midi leur opposition à la GPA, mais restent cois quand les députés les interpellent sur « le bilan GPA » du gouvernement. Ils estiment que ces lois sont inutiles et que le droit actuel suffit, mais ce droit n’est pas appliqué, la France ne s’est pas défendue quand la CEDH l’a condamnée. Dès l’ouverture de la discussion générale, Philippe Gosselin pose la question : « Que valent alors les interdictions franco-françaises, certes bien réelles sur notre sol, si tout est fait pour qu’en réalité elles soient, de facto, inopérantes et que nos digues ne soient que de sable ? ». Plus tard, la question d’Hervé Mariton, député Les Républicains de la Dôme : « Quelles sont les démarches concrètes que le gouvernement veut prendre pour éviter la GPA ? », restera sans réponse.
Face au front mené par l’opposition, le grand argument avancé concerne l’intérêt supérieur de l’enfant. Pierre-Yves Le Borgn, député socialiste des Français à l’étranger, très chahuté, n’hésitera pas à se retrancher derrière une pseudo compassion pour justifier des positions très contradictoires du gouvernement. « Pour avoir rencontré, tout comme d’autres collègues, ces derniers mois, des familles ayant eu recours à l’étranger à la gestation pour autrui, j’ai pu mesurer toute la souffrance qu’avait représentée pour elles l’infertilité. J’ai été touché par les témoignages bouleversants de ces femmes et de ces hommes (…) Qui serais-je pour juger ces familles ? Je veux leur dire mon respect. Étendre le délit de recours à la gestation pour autrui au-delà des frontières aurait un caractère de profonde injustice. Ce serait criminaliser la volonté d’aimer ». Tout est dit, l’inertie est justifiée.
Les députés dénoncent une logique de marché
Du côté des porteurs de la proposition de loi, les arguments sont quant à eux étayés et sans ambigüité. L’opposition avance en rangs serrés. La cause est acquise et le soutien aux deux propositions de loi est manifeste. Dès l’ouverture, Philippe Gosselin dénonce « un véritable marché, estimé à 3 milliards de dollars » et rappelle qu’ « il ne s’agit pas ici de faire don de soi, mais d’interdire de faire don, ou commerce, d’un autre ». Il souhaite dire « stop à la réification et à la marchandisation du ‘capital’ humain », se réjouissant enfin parce que « certaines causes, qui paraissaient des causes perdues, ont fini un jour par triompher ».
Valérie Boyer, quant à elle, a rappelé qu’« avec les progrès des techniques d’assistance médicale à la procréation, il est désormais possible de dissocier la maternité gestationnelle de la maternité génétique, rendant possible le transfert à la mère dite ‘porteuse’ d’un embryon issu des gamètes des deux parents d’intention – ou des deux parents acquéreurs –, de celles de l’un d’entre eux et de celles d’un tiers, ou encore de celles de deux donneurs. Jusqu’à cinq personnes peuvent ainsi être impliquées dans la venue au monde d’un enfant ». S’indignant : « c’est la promotion de la maternité éclatée », elle a demandé que la GPA reste « interdite », considérant qu’elle est un retour à une nouvelle forme d’esclavage.
A son tour, Jean Leonetti, député les Républicains des Alpes-Maritimes, s’est étonné du ton des débats : « Nous devrions, sur tous les bancs, être d’accord ». Pour lui, « parce que les corps ne sont pas à louer, parce que les enfants ne sont pas à vendre, parce que les personnes ne sont pas des choses et parce que cette pratique est de toute évidence contraire à la dignité de la personne et à l’indisponibilité du corps humain, elle doit être non seulement interdite, mais empêchée ». Il a souligné au passage que la circulaire Taubira était « citée sur les réseaux des mères porteuses ukrainiennes comme un élément positif permettant de faciliter la gestation pour autrui à l’étranger ! ».
L’intérêt de l’enfant est au cœur des débats, mais les avis divergent
A Colette Capdevielle, députée socialiste des Pyrénées-Atlantiques, qui s’indignait du sort réservé à l’enfant né par GPA, Jean-Frédéric Poisson, député PCD des Yvelines, a répondu : « Vous nous parlez de l’intérêt supérieur de l’enfant, madame Capdevielle. Quel qu’il soit, il ne peut pas donner droit à la marchandisation de son être, ni du ventre de la mère qui l’a porté ». Plus tard Marion Maréchal-Le Pen, députée non inscrite du Vaucluse, dénonçait : « Voici que la ‘GPA altruiste’ vient de faire son apparition dans le lexique de la novlangue bien-pensante », relayée par Anne-Yvonne Le Dain, députée socialiste de l’Hérault, qui s’insurge contre celles qui « défendent le concept de ‘GPA éthique’, ce qui est pathétique ». Cette dernière sera virulente contre l’utilisation de mères porteuses : « Éthique ou pas, la GPA est un chemin dangereux qui s’est ouvert dans le monde, un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme, qui les interdit ». Aux parents d’intention qui réclament « un acte affirmant leur filiation avec cet enfant-là », elle regrette que « les demandes formulées devant la cour européenne des droits de l’homme à ce sujet visent à confirmer des liens entre l’enfant et des gens qui ont délibérément transgressé la loi française, très claire sur ce point, en déboursant pour ce faire d’importantes sommes d’argent. Or ces enfants ne sont pas en danger en France : depuis toujours, notre nation accompagne tous les enfants, ceux-là autant que les autres. Les services de l’aide sociale à l’enfance ou de l’éducation nationale font ce qu’il faut pour que les parents d’intention aient la responsabilité éducative, sociale et affective de ces enfants, dans les faits comme en droit ». C’est elle pourtant qui a déposé tous les amendements de suppression pour contrer les deux propositions de loi.
Enfin, Marc le Fur, député Les Républicains des Côtes d’Armor, s’indigne qu’il suffise « d’une simple recherche sur internet pour accéder à des sites, en français, qui proposent explicitement plusieurs offres de GPA, plusieurs formules. Celles-ci sont appelées ‘paquets’, c’est le terme utilisé ». Et il s’interroge : « Il faut garder à l’esprit que le risque psychologique pour l’enfant est considérable. L’enfant né d’une GPA, séparé de la mère qui neuf mois durant l’a porté, et l’a mis au monde, sera placé loin d’elles, auprès d’autres parents. Comment croire que cet enfant n’en subira pas un traumatisme ? », avant de conclure au sujet d’une GPA « éthique » : « Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas d’échange marchand qu’il n’y a pas de drame ! »
Pour chacune des propositions de loi, la majorité présentera une motion de rejet préalable qui sera systématiquement déboutée, ouvrant la discussion sur chacun des amendements. Mais la discussion qui ne donnera pas lieu à un vote. Alors que les députés s’apprêtent à étudier plus en détail les deux propositions, Jean-Marie Le Guen rapporte que « le Gouvernement demande, en application de l’article 96 du règlement, la réserve des votes ». Le vote, suivi par Gènéthique, est reporté au mardi 21 juin à 16h.
Pour consulter le compte rendu des débats.