Dans une interview accordée au site d’information Atlantico, Damien Le Guay, philosophe et critique littéraire1, revient sur la proposition de loi sénatoriale débattue le 13 février dernier et qui vise à autoriser une assistance médicalisée pour une fin de vie digne (Cf Synthèses de presse Gènéthique du 07/02/2014 et du 14/02/2014).
Damien Le Guay tient tout d’abord à préciser que le gouvernement ne souhaite qu’une chose, » ‘aller plus loin‘ » que l’actuelle loi Léonetti. Pourtant, selon le philosophe, l’élaboration de cette loi « fut exemplaire » à plusieurs niveaux: débats, qualité des réflexions, audition…Pour lui, » ‘faire évoluer’ » cette loi, c’est prendre un risque: celui de « détricoter un exceptionnel consensus trans-politique » et « ébranler ce délicat point d’équilibre trouvé par le vote unanime des parlementaires en 2005« .
Le gouvernement actuel espère trouver un nouveau consensus en procédant à une large consultation. Mais pour Damien Le Guay, « jusqu’à présent, le souci militant a été le plus fort« : le rapport Sicard (Cf Synthèse de presse Gènéthique 18/02/2014) et l’avis du CCNE qui refusent l’euthanasie ont été mis de côté (Cf Synthèse de presse Gènéthique du 02/07/2013). Ensuite, c’est « Une grosse partie des membres du CCNE [qui] a été changée » puis une conférence de citoyens mise en place par ce dernier qui s’est dite favorable au suicide assisté et à une exception d’euthanasie (Cf Synthèse de presse Gènéthique du 16/012/2013, 17/12/2013 et 23/12/2013).
Ainsi, pour Damien Le Guay, affronter la question de la fin de vie en l’abordant sous le seul angle de l’euthanasie est « une façon pour les pouvoirs publics de se défausser de ses responsabilités« . Pour lui, deux actions devraient être engagées par le gouvernement. D’une part, « assurer un accès universel aux soins palliatifs« . Car « il y a là une injustice flagrante. Un déficit de moyens, un manque coupable de mobilisation des pouvoirs publics » dénonce -t-il. D’autre part « sortir les personnes en fin de vie de l’hôpital« , car les Français souhaitent mourir chez eux. Un point qui nécessite moyens financiers, modification des organisations et changement de comportement du personnel. En Allemagne, souligne le philosophe, la « mort à domicile » est la règle, « pourquoi ne le serait-elle pas chez nous?« . Si les sondages révèlent un « désir d’euthanasie« , c’est en raison de « l’inhumanité de l’hôpital quand celui-ci voit non pas une personne mais un porteur de la maladie » comme le dit le rapport Sicard.
En conclusion le philosophe dénonce que l’euthanasie est « un faux problème. Une façon de ne pas assurer la qualité d’une ‘bonne mort’, de ne pas en prendre les moyens, de maintenir un inconfort des patients à l’hôpital« . Ce n’est que la conséquence d’un comportement du gouvernement qui se « défauss[e] en profondeur de l’Hôpital et enferme le débat autour d’une question qui ne se pose pas en priorité« .
(1) Maître de conférence à l’école des hautes études commerciales (HEC), à l’IRCOM d’Angers et président du Comité national d’éthique du funéraire