CRISPR : Jennifer Doudna et Emmanuelle Charpentier, responsables du cadre éthique de leur découverte ?

Publié le 21 Mar, 2016

Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna recevront jeudi le prix L’Oréal-Unesco 2016 « Pour les femmes et la science », pour leurs travaux sur CRISPR-Cas9. Les deux chercheuses ont publié en 2012 une description de cette technique « qui a depuis déferlé sur les laboratoires de biologie du monde entier ». Une percée « époustouflante », due à la facilité de sa mise en œuvre.

 

La découverte de CRISPR-Cas9 a aujourd’hui un impact « colossal », « tant en recherche que sur toutes les filières d’applications de la biologie ». Elle fascine, mais soulève aussi des craintes. Les deux chercheuses « n’ont-elles pas le devoir de veiller à ce que les applications de leur technologie soient dans le sens et les valeurs de leurs travaux de recherche ? Tout chercheur n’est-il pas au premier chef responsable du cadre éthique et humain de ses découvertes » ? Jennifer Doudna pense pour sa part que « les chercheurs qui développent des technologies très puissantes ont la responsabilité de s’impliquer dans ces discussions, non pour décider, mais pour instruire le public sur ce qui est possible » (cf. CRISPR-cas9 : Les deux chercheuses à son origine mettent en garde contre “une mauvaise utilisation de leur découverte”).

 

« CRISPR Cas9 permet de faire de la chirurgie haute-couture des gènes », explique Emmanuelle Charpentier. Pour elle, « le but ultime serait que cette technique ‘révolutionnaire’ permette de corriger des maladies génétiques humaines ». C’est dans cet objectif qu’elle a « cofondé la société de biotechnologie CRISPR Therapeutics, qui cherche à utiliser la technologie CRISPR Cas9 pour combattre certaines maladies, par exemple du sang ou certains cancers ».

 

Jennifer Doudna, interrogée par Le Monde, explique que pour l’heure, les limites sont encore techniques : « Il y a encore beaucoup de travail pour comprendre comment ce système d’édition du génome fonctionne dans différents types de cellules », et ainsi « être capable de contrôler réellement ces modifications ». « On doit s’assurer que c’est sûr et efficace », et « cela va prendre du temps », déclare-t-elle.

 

Elle considère par ailleurs que les questions éthiques surgissent lorsqu’on applique la technique aux cellules germinales, « qu’il s’agisse d’humain ou d’organisme relâchés dans l’environnement » : « la question éthique est de savoir qui veut appliquer ces techniques, qui y a accès, qui décide de les employer, et dans quel but. Est-ce acceptable si c’est uniquement à visée thérapeutique, ou aussi pour répondre au désir de parents d’avoir des enfants plus grands, aux yeux bleus » ?

 

L’autorisation donnée récemment aux Royaume Uni d’expérimenter CRISPR-Cas9 sur des embryons humains, est selon elle « appropriée » : « si on veut s’assurer que la technologie est sûre, c’est le genre d’expérimentation qu’il faut conduire ». Elle rejoint l’avis de l’Académie de médecine qui voit dans le diagnostic préimplantatoire une « alternative » pour « écarter les mutations délétères d’un certain nombre de maladies génétiques » (cf. CRISPR : L’Académie de médecine publie un rapport inquiétant). Elle déclare toutefois également que « les applications cliniques sur les embryons humains, qui pourraient conduire à une implantation pour créer une personne génétiquement éditée, ne devraient pas être poursuivies aujourd’hui. C’est trop tôt ».

Le Monde (21/03/2016); Les échos (21/03/2016); La dépêche (21/03/2016)

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