« Bercés par l’illusion d’une société technicienne qui pouvait tout maîtriser grâce à l’intelligence artificielle, à une logistique robotisée, à une finance ultrasophistiquée », l’homme moderne a oublié « que la nature est parfois imprévisible et violente ». Et le monde occidental, « traversé par un puissant fantasme, celui de l’autoengendrement », a été jusqu’à « vouloir choisir son sexe, comme si la nature n’avait aucune emprise sur lui ».
Avec la pandémie de coronavirus, on découvre que « l’homme flottant, déraciné, désincarné, l’homme cobaye qu’on croyait même pouvoir détacher de son identité sexuelle, était une fiction idéologique lugubre ». Cet homme, comme l’analyse le sociologue Mathieu Bock-Côté « se voulait absolument maître de lui-même, délié des appartenances contraignantes, sans patrie, ni religion ni civilisation, ne connaissant que des affinités électives, qui pouvaient se nouer et se dissoudre au rythme des désirs fluctuants des uns et des autres. La modernité avancée croyait produire un être émancipé, elle engendrait en fait un parfait névrosé soumis à toutes les modes et bien incapable de résister aux différentes formes de manipulation idéologique. C’est le progressisme qui fait intellectuellement faillite. On pourrait dire aussi que le fondamentalisme de la modernité se décompose sous nos yeux ».
Du point de vue de la technique, on tenait la promesse d’ « un monde parfaitement maîtrisable » se permettant même « de spéculer sur la possible immortalité de l’homme, à travers différentes rêveries transhumanistes. L’humanité occidentale était dominée par un fantasme démiurgique » (cf. PMA, le cheval de Troie du transhumanisme et Quel humain demain ?). Aujourd’hui, explique le sociologue, « elle se retrouve ici rappelée brutalement à sa condition primitive: l’homme redécouvre qu’il peut mourir. Il a peur. Il a peur pour les siens. Et lorsque viendra le temps du déconfinement, il ne sortira pas de chez lui avec l’insouciance d’hier. Il sera désormais méfiant. Nous serons tous nostalgiques d’une certaine légèreté. Mais tel est le monde dans lequel nous vivrons, et dans lequel il faudra réapprendre à être libre ».
Aleteia, Rémi Sentis (28/04/2020) – Journal de Montréal (28/04/2020)