COP 21 : Répondre aux étonnantes revendications écologiques du Planning familial

Publié le 30 Nov, 2015

A l’occasion de la conférence sur le climat, le planning familial a publié un communiqué demandant que les « droits des femmes », particulièrement les « droits sexuels et reproductifs » soient « au centre des négociations ». Il y voit « un enjeu majeur pour l’élaboration de stratégies de développement durable ».

Gregor Puppinck, docteur en droit et directeur du European Center for Law and Justice réagit à ce communiqué pour Gènéthique.

 

« Investir pour les droits et la santé sexuelle et reproductive » serait « un pari gagnant pour le climat » ?

Cette déclaration est parfaitement conforme à la pensée du planning familial qui a toujours milité pour la réduction de la population mondiale, de préférence dans les pays en développement.

Cette pensée exprime la volonté de maîtriser, à l’échelle de la planète, les conditions de la vie et de l’évolution de l’espèce humaine. C’est une pensée directement issue de celle de Malthus.

La fondatrice du planning familial, Margaret Sanger, comme son alter ego britannique, Maria Stopes, mais aussi plusieurs des grandes figures historiques du mouvement environnementaliste, comme Sir Julian Huxley, sont des néo-malthusiens notoires, souvent d’ailleurs racistes et eugénistes. Ils envisagent l’humanité comme une espèce animale en compétition pour la maitrise et l’exploitation de son environnement naturel. Une espèce qu’il faut réguler artificiellement, pour juguler la prolifération de ses éléments les « moins évolués » et favoriser les plus civilisés. En limitant la population au bénéfice de ses éléments les plus « évolués », on réduit la concurrence au sein de l’espèce, notamment dans l’accès au ressources et on préserve l’environnement. On agit ainsi pour la paix, le développement et l’environnement. Le fait que le planning familial utilise l’occasion de cette conférence sur le climat pour promouvoir les politiques de limitation des naissances n’a donc rien d’étonnant.

 

Evolution du discours malthusien du Planning Familial

Aujourd’hui, c’est au nom de l’impact de l’activité humaine sur le climat que le planning familial promeut le contrôle de la population. Hier, c’était au nom d’un danger imminent et catastrophique, celui d’une « surpopulation », que ce même discours était tenu. On nous assurait que, sans plan mondial de limitation de la population, l’explosion démographique provoquerait des famines, des guerres et l’épuisement des ressources naturelles.

Avant la seconde guerre mondiale, c’était au nom de l’eugénisme que ce même discours était tenu. On expliquait alors qu’il fallait absolument stériliser au moins 10% de la population pour sauver l’humanité d’un danger de dégénérescence de l’espèce humaine. Margaret Sanger était favorable à la « ségrégation » des femmes jugées physiquement ou mentalement déficientes et à leur stérilisation forcée, afin de « s’assurer que la parentalité soit absolument interdite aux faibles d’esprit ».

Sir Julian Huxley était à la fois néo-malthusien, eugéniste et environnementaliste. Avant d’être le premier Secrétaire Général de l’Unesco, puis notamment le co-fondateur du WWF, c’était un zoologiste libre-penseur. Il a fondé et géré des parcs naturels en Afrique pour l’Empire britannique et a pensé le monde comme tel. Il a eu une grande influence, avec d’autres, comme Maurice Strong, à la mise en place d’une politique mondiale en matière d’environnement.

Ce sont souvent les mêmes personnes et institutions qui ont successivement adopté ces discours, dont la finalité première demeure : accroître la maîtrise des conditions de la vie et de l’évolution de l’espèce humaine en la gérant comme une espèce animale, mais tout en cherchant à favoriser l’expression de ce qu’il y a de meilleur en l’homme, cet esprit qui procèderait de la matière et qui produirait la beauté, l’intelligence, l’art, l’altruisme, etc. Il s’agit d’agir pour favoriser la « qualité » (qui relève de l’esprit) en réduisant la « quantité » (qui relève de la matière et n’a pas de valeur).

La finalité seconde du discours alarmiste sur la surpopulation était de développer, au besoin par la peur, une conscience politique universelle et de créer une politique universelle contraignante.

Dans le contexte d’un monde divisé à l’époque de la guerre froide, la menace d’une « bombe démographique » était idéale pour soutenir une action politique universelle. De fait, le taux de croissance démographique a été réduit, mais les prédictions pessimistes et catastrophistes des néo-malthusiens ont heureusement été démenties, car la disponibilité des ressources a eu une croissance toujours supérieure à celle de la population.

Les questions de l’environnement et de la « surpopulation » sont liées. Déjà en 1972, les Etats participants à la Conférence des Nations Unies sur l’environnement humain, tenue à Stockholm, déclaraient que « l’augmentation naturelle de la population pose sans cesse de nouveaux problèmes pour la préservation de l’environnement et il faudrait adopter, selon que de besoin, des politiques et des mesures appropriées pour régler ces problèmes». Un discours analogue a été tenu à la Conférence de Rio en 1992, qui a insisté sur le rapport synergique entre les tendances démographiques et le développement durable.

 

Cela étant, les néo-malthusianistes ne sont jamais parvenu à faire accepter l’idée qu’il existerait un droit universel au contrôle des naissances et à l’avortement au titre des « droits reproductifs »

 

Le climat, nouvel argument pour le contrôle des populations

Aujourd’hui, le thème du dérèglement climatique, présenté de façon tout aussi dramatique que le fut celui de la surpopulation, a des qualités plus grandes encore pour soutenir une action politique universelle d’envergure, car il met en cause le plus grand « bien commun » universel.

Le climat est un excellent levier politique car il est universel, vital et la résultante d’un grand nombre de facteurs. La menace du « dérèglement climatique » permet de faire avancer plusieurs projets politiques. Il y a d’abord la question écologique en tant que telle, et elle est centrale. Ensuite, d’autres intérêts et projets se greffent et se combinent avec l’environnement, comme celui des néo-malthusiens qui conserve une réelle influence : réduire la population mondiale.

Nous assistons aussi à une intéressante conjonction d’intérêts entre les économies avancées et les divers groupes écologistes.

Il y a au sein du mouvement naturaliste une tradition d’opposition à la société industrielle, souvent associée à une valorisation idéale de la « Nature ». Ces écologistes ont beaucoup combattu l’industrie polluante. Aujourd’hui, l’économie des pays technologiquement avancés est moins polluante, mais aussi plus chère que celle de leurs rivaux émergeants. Les pays avancés partagent avec les groupes écologistes un intérêt à ce que leurs rivaux émergeants réduisent leur pollution. Imposer des objectifs et normes techniques en ce sens, voire même créer une taxe sur la pollution, pèserait plus lourdement sur les pays émergeants et soutiendrait la compétitivité des économies avancées tout en contribuant à un meilleur environnement.

Cette vision d’un monde qui se détournerait de la croissance (qui serait vulgairement quantitative) au profit de la qualité de vie n’est pas récente. Elle est déjà présente dans le fameux rapport du Club de Rome « Halte à la croissance ?» publié en 1972 qui recommandait la réduction de la population mondiale et de la croissance économique. Ce rapport, s’appuyant sur une modélisation mathématique de la croissance démographique et économique de l’humanité, prétendait démontrer, compte-tenu des limites des ressources terrestres, que la croissance économique devait conduire à une diminution brutale de la population, accompagnée d’une dégradation significative des conditions de vie des survivants. Le rapport suivant « Reshaping the International Order », publié en 1976 recommandait l’instauration d’une politique mondiale menant une gestion équilibrée des ressources mondiales et de l’environnement, et des interventions de l’homme sur la nature.

 

Environnementalisme ou naturalisme ?

Aujourd’hui, globalement, le discours s’est assagi et il y a un vrai besoin d’exposer une compréhension juste du rapport des hommes à leur environnement et à leur corps. Nous sommes largement sortis du « climat New Age » dans lequel l’Occident a pu baigner dans les années 70. Nous parlons davantage « d’environnement humain » que de « Nature », voire même de « Gaïa » comme ce fut encore le cas à la Conférence de Rio de 1992.

Il y a une différence fondamentale entre ces deux approches naturalistes et environnementalistes. L’approche environnementaliste est anthropocentrique, elle considère la planète comme étant l’environnement de l’homme, elle est au service de l’homme qui en est le gestionnaire. Cette approche remet en cause l’idée qu’il y aurait une « Nature » naturelle et idéale vers laquelle nous devrions tendre.

A contrario, le discours naturaliste considère la « Nature » comme ce qui prime et envisage l’humanité comme une espèce animale qui a développé des moyens techniques lui permettant d’échapper à la régulation naturelle, d’exploiter et de détruire la nature ; finalement se comportant comme une espèce nuisible. Certains, comme Huxley, vont jusqu’à dire que l’homme est un « cancer » pour la planète : il se développe exponentiellement, les villes polluées sont ses métastases, et il finira par la tuer. De ce point de vue, il est nécessaire pour l’humanité et pour la planète de limiter la population et l’activité humaines.

 

Dans l’approche environnementaliste, aujourd’hui dominante, la légitimité de l’imperium humain est largement reconnue. L’homme est légitime sur terre, il n’est pas un animal comme les autres. Il s’en distingue parce qu’il a un esprit, et il a de facto – si ce n’est de droit divin – la responsabilité de gérer la planète. C’est l’élément fondamental. La planète doit donc être considérée en priorité par rapport aux besoins de l’homme, ces besoins devant être compris dans une vision responsable à long terme.

 

Même le planning familial a modifié ses éléments de langage. Il emploie à présent celui des « droits » pour promouvoir un « accès facilité aux services de planification familiale » tout en se démarquant, dans son récent communiqué à l’occasion de la COP 21, de la politique malthusienne des pays du Nord, dont elle est pourtant l’un des plus fidèles et efficaces serviteurs.

Financée majoritairement par des subventions publiques des pays anglo-saxons, du Japon et des Nations unies, la Fédération Internationale du Planning Familial avait pour objectif en 2014 de pratiquer 4,9 millions d’avortements. Son action en matière de contraception et de stérilisation n’est pas quantifiée. 85% des personnes dont l’IPPF se charge de réduire la fécondité sont pauvres et issues de milieux vulnérables. Le budget total de l’IPPF en 2014 était de 137,6 millions de dollars, dont 60 % étaient affectés à l’Afrique et à l’Asie du Sud.

 

Le communiqué du planning familial ne fait qu’actualiser la présentation des arguments en faveur du contrôle démographique en les adaptant aux préoccupations et aux mentalités actuelles.

Grégor Puppinck

Grégor Puppinck

Expert

Grégor Puppinck est Directeur de l'ECLJ. Il est docteur en droit, diplômé des facultés de droit de Strasbourg, Paris II et de l'Institut des Hautes Études Internationales (Panthéon-Assas).

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