Le 5 juillet 2016, 21 personnes morales et physiques ont saisi le Conseil d’Etat pour demander l’annulation du fichage des bébés trisomiques 21 et de leur maman, organisé par un décret publié le 5 mai 2016.
Ce décret prévoit « l’évaluation et le contrôle qualité » du DPN[1] de la trisomie 21, et plus concrètement la mise en œuvre d’un recueil national des données relatives au DPN de la trisomie 21, recensant les femmes qui ont fait le dépistage de la trisomie 21, les résultats de leur test, du caryotype s’il a été fait, l’issue de grossesse, etc… Ces données, et les modalités de leur recueil sont précisées par arrêté publié le 18 mai 2016. C’est l’Agence de la biomédecine qui a pour mission de centraliser ces données et « d’évaluer » le dépistage combiné.
Me Antoine Beauquier, avocat à la Cour, précise deux manquements graves : « Le décret attaqué ne fait aucune mention d’un avis de la CNIL et l’arrêté ministériel qui reprend celui précédemment annulé par le Conseil d’Etat vise un avis de la CNIL qui est inaccessible ». Et aussi, « le dispositif ne prévoit pas d’informer la femme enceinte quant à l’utilisation de ses données personnelles, lorsqu’elle accepte le dépistage prénatal. Or le respect de sa vie privée nécessite que lui soit laissée la possibilité de s’opposer à l’enregistrement de ses données dans le fichier national, comme le demande la CNIL ».
L’objectif de cette action menée par des associations (Fondation Lejeune et Collectif contre l’handiphobie), médecins, gynécologues, sages-femmes, femmes enceintes, est de demander l’annulation du fichage national du diagnostic prénatal de la trisomie 21 instauré depuis 2013, et confirmé plus récemment par le biais d’un décret.
Un groupe d’une vingtaine de médecin s’est en outre joint à la procédure pour éclairer les magistrats sur la réalité du terrain de la médecine prénatale, et le contexte particulier de l’exercice du diagnostic prénatal de la trisomie 21 : 85% des femmes enceintes font le dépistage de la trisomie 21[1]. Les trois quart d’entre elles ne savent pas à quoi cela correspond, et elles ne comprennent pas qu’il peut les mener à une interruption de grossesse[2]. 96% des fœtus détectés trisomiques 21 sont éliminés.
Ce fichage national du DPN de la trisomie 21 est effectif depuis 3 ans (cf. Trisomie 21 : Un arrêté organise un fichage national et La médecine prénatale française : l’eugénisme s’accentue). Même après annulation de ce 1er arrêté suite à la demande d’annulation de la Fondation Lejeune accueillie par le Conseil d’Etat pour incompétence du ministère, le ministère de la santé a fait en sorte de le poursuivre en publiant les textes règlementaires litigieux.
Ce fichage étatique du DPN de la trisomie 21 ne connait pas de précédent en médecine prénatale. Il vise expressément une pathologie donnée : la Trisomie 21. Il porte de graves atteintes aux droits fondamentaux en ce qu’il discrimine les personnes trisomiques 21 , et en ce qu’il porte atteinte à la vie privée des femmes enceintes, et à l’indépendance des praticiens acteurs du diagnostic prénatal. Ces atteintes ont été invoquées par les 21 parties qui attendent une décision ferme contre ce fichage clandestin et cette traçabilité des fœtus porteurs de trisomie 21.
Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme Lejeune, s’est exprimé dans un communiqué de presse sur le dépôt de ce nouveau recours : « Un eugénisme d’Etat peut être une réalité sans qu’il y ait une volonté d’un gouvernement d’éradiquer. C’est la situation de la France dont les responsables politiques depuis 20 ans ont créé des obligations qui prises dans leur ensemble dessinent une intention et des réflexes collectifs conduisant à l’élimination en masse des enfants trisomiques. Aujourd’hui la mise en place d’un fichage national pour la trisomie 21, pathologie dont le diagnostic revêt une gravité particulière (décision de vie ou de mort) relève de cette même logique.
Par ailleurs ce dispositif est destiné à préparer l’adoption des tests de dépistage prénatal non invasifs (DPNI) de la trisomie 21 qui doivent prouver la performance de leur pouvoir sélectif avant d’être inséré dans le système actuel et remboursé par la sécurité sociale
(Voir mon dernier livre Les Premières victimes du transhumanisme – Edition Pierre-Guillaume de Roux, février 2016). »
Gènéthique suivra la suite de la procédure.
[1] Dépistage prénatal.