A la suite du Pays de Galles qui a mis en œuvre ce système depuis 2015, le gouvernement britannique envisage de modifier le régime du don d’organes en Angleterre et en Ecosse, pour passer au consentement présumé à l’horizon de 2020. L’objectif, louable, est d’augmenter le nombre de greffons disponibles. D’autant qu’aujourd’hui, si 90% de la population du Royaume-Uni soutient le don d’organes, seuls 38% des britanniques sont inscrits sur la liste des donneurs.
Le consentement présumé suppose l’accord de la personne acquis au don d’organes, sauf si celle-ci a indiqué le contraire. Et dans la proposition gouvernementale, in fine, les familles pourront toujours s’opposer au don.
Sous la direction du docteur Jordan Miller, des chercheurs de l’université de Striling ont interrogé 1202 personnes et révèlent qu’une sur 10 (9,4%) indique que, dans ce contexte, elle manifestera clairement son refus de donner ses organes. En cause, d’importantes barrières émotionnelles : sont évoqués le malaise de penser à sa propre mort ou un sentiment de dégoût concernant le don d’organes. L’obstacle le plus important étant que « le don d’organes violerait l’intégrité physique du corps », explique Jordan Miller, le médecin qui a conduit l’étude.
Ces travaux ne s’arrêtent pas au constat, ils suggèrent aussi des solutions pour faire évoluer ces représentations. Ils expliquent que les campagnes factuelles sur le don d’organes sont inefficaces pour modifier la perception des individus et donc pour modifier leurs perceptions et leurs comportements dans le but d’augmenter le nombre de donneurs. Et c’est là que le bât blesse, ils suggèrent qu’en focalisant davantage sur les sentiments et les émotions, elles atteindraient davantage leur cible et susciteraient une augmentation des intentions des donneurs.
Si les pays changent, les méthodes sont immuables… Le plus étonnant, c’est qu’il semble normal, pour atteindre un objectif, de mettre en place les moyens qui modifieront pas à pas les mentalités dans un sens et avec un objectif déterminé à l’avance.
Est-il vraiment éthique de jouer avec la bonne conscience ou les sentiments d’une population pour obtenir d’elle ce que l’on désire ? Outil d’influence ou de propagande, l’argument compassionnel (cf. « L’homme de ce temps a le cœur dur et la tripe sensible » (Bernanos)) n’est-il pas un abus ?
Pour aller plus loin :
Don d’organes : la « faiblesse éthique » du consentement présumé
Sylviane Agacinski : don d’organes, « laisser le corps en dehors du marché »