L’équipe de recherche PICNIC Lab dirigée par le Pr Lionel Naccache de l’Institut du Cerveau (Sorbonne Université / Inserm / CNRS / AP-HP) vient de publier dans un article retenu par le comité éditorial de la revue mondiale de neurologie Brain « comme ″Editor’s choice″ en raison de son caractère novateur et de son importance », « la découverte et la validation d’un nouveau signe d’examen clinique » qui permet d’identifier, parmi des « malades non communicants » comme les patients en « état végétatif » ou en « état de conscience minimale », « ceux dont le fonctionnement cérébral est le plus riche ».
Ce signe est celui de « la réponse réflexe de sursaut au bruit (clignement des paupières à la suite d’un son brusque) ». En effet, les chercheurs ont observé que cette réponse « présentait une habituation chez les patients capables de prévoir et d’anticiper cette répétition ». Ainsi, « lorsque les sons étaient répétés, ils étaient capables d’inhiber cette réponse comportementale », à l’inverse des patients « dont l’examen clinique détaillé et les explorations cérébrales[1] révélaient une activité cérébrale et cognitive très pauvres ». « Le fait d’inventer un nouveau signe clinique n’est pas fréquent, affirme le Pr Naccache. Et celui-ci peut désormais être communiqué à tous les médecins qui s’occupent de patients non communicants ». En effet, « il suffit de claquer dans les mains à intervalles réguliers plusieurs fois de suite et de regarder si le patient cligne à chaque fois des paupières ». En plus de sa valeur diagnostique, « la présence de ce signe clinique, facile à rechercher au lit du malade, permettait également de prédire une amélioration de leur état de conscience à six mois », indiquent les chercheurs. « Sur les 52 patients capables de s’habituer à un son répété, 21 avaient retrouvé un état de conscience suffisant pour communiquer six mois plus tard. »
Dans une seconde étude menée par cette même équipe, les scientifiques ont montré « comment la stimulation électrique transcrânienne en courant continu (tDCS) du lobe frontal de ces malades améliore leur état de conscience ». « La réponse clinique à la tDCS était associée à une augmentation de marqueurs EEG[2] spécifiques de la conscience », « une amélioration des oscillations et de la communication à longue distance entre les régions préfrontales et pariétales dans les bandes de fréquence thêta-alpha : 4-10Hz ».
Les chercheurs ont également observé que « plus le cortex préfrontal d’un patient donné était effectivement stimulé électriquement, plus son état clinique et son activité cérébrale avaient tendance à s’améliorer ». Des résultats « importants à la fois sur le plan clinique, – en ouvrant la voie au développement de nouvelles stratégies thérapeutiques de stimulation personnalisée -, et sur le plan de la recherche fondamentale en confirmant l’importance du cortex préfrontal et du réseau fronto-pariétal dans la physiologie de la conscience » qui ont été publiés dans la revue Scientific Reports.
Ces travaux correspondent à « une partie des travaux de la thèse du Dr Bertrand Hermann », de l’Inserm, AP-HP et Université de Paris, et ont été réalisées sous la direction du Pr Naccache. Ils sont « une avancée importante car, comme le rappelle le Dr Hermann, la question principale des familles est avant tout de savoir si leur proche a des chances de se réveiller un jour pour communiquer avec eux ». Aujourd’hui, en France, « entre 1500 et 3000 personnes présentent des troubles chroniques de la conscience ».
Pour aller plus loin :
L’imagerie cérébrale pour communiquer avec des patients inconscients ?
Vincent Lambert : pourquoi en parler encore ?
Vers l’état de conscience minimale : des avancées ?
[1] « EEG à haute densité quantifié, potentiels évoqués cognitifs, IRM tenseur de diffusion, PET-scan au fluoro-deoxy-glucose ».
[2] électroencéphalogramme.
Inserm, Communiqué de presse (25/06/2020) – Le Figaro, Anne Prigent (28/06/2020)