Dans une décision rendue le 4 décembre, un juge des affaires familiales de Bogota a rejeté une demande de contestation de maternité concernant un enfant né par le biais d’une mère porteuse. Pour le juge, « la mère porteuse et la mère génétique sont toutes deux mères biologiques ».
Deux mères biologiques ?
La décision fait suite au recours intenté par Jonas Hedegaard Ydemann pour faire supprimer Kelly Yohana Jaimes Marín de l’acte de naissance de son fils, né le 5 octobre 2023. Après avoir porté l’enfant, elle avait été inscrite en tant que mère à l’état civil, en vertu de la loi colombienne. Le requérant a tenté de faire valoir que l’enfant ayant été conçu à partir de ses gamètes et d’un ovocyte issu d’un donneuse anonyme, Kelly ne devait pas être mentionnée comme mère biologique.
En effet, en cas de gestation par autrui (GPA), après l’inscription de la mère porteuse à l’état civil, une procédure de contestation de la maternité est « habituellement » engagée par le ou les commanditaires, au cours de laquelle un test ADN est demandé. Et, dans la majorité des cas, le recours aboutit. La jurisprudence, y compris celle de la Cour constitutionnelle elle-même, a jusqu’à présent « presque unanimement » déclaré que la femme enceinte n’est pas la mère. Et, quand il s’agit d’un homme non marié, il n’y a « pas de mère ».
Or, en l’espèce, la Cour a souligné que « selon la science », « le processus de reproduction humaine se divise en deux étapes : la fécondation et la gestation ». Alors que la fécondation est l’étape initiale, « il n’est pas possible d’ignorer que la mère porteuse joue un rôle indispensable dans la création d’un nouvel être humain ». Ce qui donne lieu, en cas de GPA, à « deux mères biologiques » : « celle qui fournit le matériel génétique et celle qui effectue la gestation » (cf. PMA, GPA, et la mère dans tout ça ?). Dès lors « la mère gestationnelle est également la mère biologique, même si elle n’est pas la mère génétique de l’enfant », considère la Cour. « Affirmer le contraire conduirait à la conclusion absurde que la deuxième étape de la reproduction humaine (la gestation) s’est déroulée sans la participation d’une femme et que le corps d’un être humain de sexe féminin n’est pas nécessaire pour créer un nouvel être humain », pointe le juge.
Une nouvelle jurisprudence
Cette décision, qui est considérée comme une première en Colombie, pourrait créer un « précédent important » dans un pays où la GPA n’est pas réglementée (cf. GPA : la Cour constitutionnelle colombienne demande de nouvelles règles face au risque d’apatridie).
En effet, d’un point de vue procédural, la position du juge sur l’admissibilité des tests ADN dans les litiges relatifs à la maternité est « innovante ». En effet, il estime que les résultats d’un test ADN ne peuvent, à eux seuls, être utilisés pour réfuter la maternité. La seule chose qu’ils servent à prouver est que « la femme enceinte n’a pas fourni le matériel génétique ».
Par conséquent, dans un système juridique tel que celui de la Colombie, dans lequel la maternité est déterminée par l’accouchement [1] (cf. Interdire la ROPA pour éviter « toute dissociation de maternité » : la CEDH donne raison à l’Allemagne), les seuls motifs permettant de contester la maternité sont la « fausse naissance » ou l’usurpation d’identité.
Le juge a également affirmé qu’étant donné que la maternité de substitution n’est pas réglementée en Colombie, l’affaire s’inscrit dans le concept de « pluriparentalité ».
Le faux prétexte de l’altruisme
Par ailleurs, la procédure n’a pas permis d’affirmer que la femme ait agi de manière « altruiste ». Au contraire, il a été démontré qu’elle a reçu une indemnité d’environ 413 dollars par mois, ce qui dépasse le salaire minimum en Colombie. En outre, ces versements ont été effectués sur une période de douze mois, ce qui dépasse la période de la grossesse.
Avant de conclure l’accord de GPA, Kelly ignorait l’identité du père biologique et ne disposait d’aucune information à son sujet. Interrogée par le juge, elle n’a pas été en mesure de définir le terme « altruisme » (cf. « Ceux qui utilisent le mot éthique comme complément de la GPA sont des menteurs, des ignorants ou des candides »).
Il a de surcroit été démontré qu’elle connaissait des difficultés économiques, ce qui l’a amenée à utiliser l’« indemnité » qu’elle a touchée pour des dépenses sans rapport avec ses frais médicaux (cf. Iran, Inde : la GPA pour payer ses factures).
La Colombie est devenue une « destination populaire » pour les couples cherchant à pratiquer une maternité de substitution à « faible coût », compte tenu de l’absence de toute réglementation et du fait que le pays est caractérisé juridiquement par un marché libéralisé.
[1] Sauf en cas d’adoption
Sources : El Colombiano (12/12/2024) ; EUWonder, Natalia Rueda Vallejo (12/12/2024)