« Une équipe chinoise vient de cloner les tout premiers primates jamais obtenus grâce à la technique utilisée en 1996 pour la brebis Dolly ». Révélée dans la revue Cell le 24 janvier, la naissance de ces deux macaques[1], Zhong Zhong et Hua Hua est un « séisme biologique » commente Jean-Yves Nau, journaliste et docteur en médecine.
La naissance de Dolly avait en son temps soulevé un débat éthique et scientifique sans précédent : des chercheurs étaient parvenus pour la première fois, à « faire naitre un animal en bonne santé, réplique génétique à l’identique de sa mère, sans passer par la reproduction sexuée ». Rapidement, un consensus international avait émergé, « pour interdire la mise en œuvre de la technique chez l’être humain ». Depuis, « 23 espèces de mammifères différentes » ont fait l’objet d’un clonage de ce type. Mais en clonant des primates, Zhen Liu et ses collègues de l’Institut des neurosciences à Shangai ont franchi une étape vers le clonage d’embryons humains. Les chercheurs « espèrent pouvoir produire des lignées d’animaux génétiquement identiques utilisables à des fins de recherche »[2]. Toutefois, «même si la maitrise de cette technique est loin d’être parfaite, quand on étudie le macaque, c’est bien, en général pour se rapprocher de l’homme » constate Hervé Chneiweiss, président du comité d’éthique de l’Inserm.
La technique utilisée, le transfert nucléaire de cellules somatiques ou « clonage somatique » est voisine de celle employée pour Dolly : un noyau est prélevé sur une cellule différenciée adulte puis transféré dans un ovocyte préalablement débarrassé de son propre noyau[3]. Les échecs de cette méthode appliquée aux primates dans les années 90-2000 ont mené des chercheurs de l’Oregon à employer une autre technique en 1999 : en provoquant « la division d’un embryon comme elle se produit spontanément pour des vrais jumeaux », ils sont parvenus à faire naitre une femelle singe. Ici, l’équipe chinoise a pour sa part « optimisé » le transfert nucléaire « grâce à des substances modulant l’expression de certains gènes qui inhibent le développement de l’embryon ». Ils ont utilisé « les noyaux de fibroblastes d’un même fœtus de macaque servant de donneur », qu’ils ont transférés dans des ovocytes privés de leurs noyaux. Ces « embryons ont été implantés dans l’utérus de femelles macaques servant de mères porteuses ».
S’ils font aujourd’hui la une des journaux, les chercheurs chinois ont toutefois « essuyé de nombreux échec », et le taux de rendement « n’a été que de 1,6% » : « à partir de 127 noyaux de fibroblastes fœtaux, transférés dans autant d’ovocytes énucléés, les chercheurs ont pu faire croître 79 embryons in vitro. Puis ils les ont implantés dans l’utérus de 21 femelles porteuses. Six gestations ont eu lieu, et seuls deux macaques sont nés vivants ». « C’est un taux de succès très faible » commente Nathalie Beaujean, de l’Institut de recherche sur le cerveau et les cellules souches à Lyon. « La procédure reste très peu efficace, longue et coûteuse » estime pour sa part Corinne Cotinot, de l’INRA.
[1] Aujourd’hui âgé de huit et six semaines
[2] Ils envisagent notamment de les utiliser « pour comprendre des maladies humaines, surtout génétiques et découvrir des traitements ».
[3] « Contrairement à une cellule adulte, qui contient une paire de chaque chromosome, l’ovocyte n’en compte qu’un jeu. Ce n’est qu’après la fécondation par un spermatozoïde que l’œuf se retrouve pourvu d’un patrimoine génétique complet. C’est aussi à ce résultat qu’aboutit le transfert nucléaire ».
Le Monde, Paul Benkimoun (24/01/2018); Jean-Yves Nau (24/01/2018); Le Temps, Florence Rosier (24/01/2018)
Photo: Pixabay / DR