Dans une tribune, Chantal Delsol met en garde contre les dangers d’un phénomène en vogue : l’antispécisme, une idée selon laquelle les hommes et les animaux appartiendraient à la même espèce, que toute distinction équivaudrait à une forme de racisme et qu’un traitement égal serait de rigueur. Pour Chantal Delsol, ce type de pensée est marquée par « l’emballement vertigineux et déréglé de l’indifférenciation à l’œuvre dans la postmodernité » : elle répond au rejet de l’humanisme occidental qui s’opère depuis la seconde moitié du XXe siècle, dans lequel l’homme a davantage de valeur que l’animal.
S’il est vrai, souligne la philosophe, que « l’humanisme occidental a des torts » (comme ses séparations exagérées qui ont pu faire des animaux des objets), vouloir tirer des récentes découvertes de développement de capacités chez les animaux et de l’idée rousseauiste qui fait de la sensibilité le critère de la dignité la conséquence selon laquelle les animaux devraient avoir les mêmes droits que les hommes, est un danger. Si la souffrance devient l’unité de mesure de la dignité humaine alerte Chantal Delsol, nous serons les témoins de dérives que nous ne voulons pas.
« En prétendant que les animaux sont des personnes, on ne les élève pas, mais on diminue et ridiculise le statut de personne », l’humanité, ce qui est volontaire selon la philosophe. Mais les conséquences en sont la barbarie.
Si la sensibilité nous est commune avec les animaux, « la responsabilité est notre propre, notre spécificité, notre identité », rappelle-t-elle. « Elle consiste à élargir l’espace autour de nous, à nous soucier de l’autre dans le temps et dans l’espace » : nous sommes responsables envers l’animal en raison de notre responsabilité globale. Ce n’est pas réciproque, il ne faut pas tomber dans l’excès inverse.
Magistro (12/04/2016)