Cette GPArbre qui cache la forêt

Publié le 11 Avr, 2022

Parmi les sujets bioéthiques, il ne reste que la GPA pour sembler encore inciter à dresser des “lignes rouges”. Décryptage de Michel Nodé-Langlois, Professeur honoraire de philosophie à Toulouse, pour Gènéthique.

Les candidats à l’élection présidentielle se sont vu tour à tour poser, au journal du soir de la première chaîne de télévision, des questions sur ce qu’ils envisageaient de faire s’ils étaient élus.

Parmi les questions rituelles, celle qui les interrogeait sur la GPA les amenait à déclarer, avec une belle et rare unanimité, qu’ils s’opposaient à sa légalisation. Le motif que tous avançaient est leur opposition à la « marchandisation du corps des femmes » (cf. Présidentielles 2022 : premières prises de position en matière de bioéthique).

La question leur permettait, ainsi qu’à ceux qui les interrogeaient, de faire montre d’une posture éthique sur un sujet « sociétal », qui paraît désormais jouer le rôle d’un repoussoir.

On peut néanmoins se demander pourquoi le questionnement se limitait strictement à cette question, et n’était pas étendu à d’autres sujets du même registre. Faute de temps ?…

Une “hypocrisie de plus” ?

L’opposition affichée à la GPA ne comporte pas de grand risque politique, car cette pratique intéresse pour l’essentiel les ménages composés de deux hommes, ce qui, même en y ajoutant ceux et celles qui militent en leur faveur, ne fait pas une part très importante de l’électorat, laquelle votera sans doute pour un candidat ou une candidate dont il ne paraît pas improbable qu’il change d’avis sur la question.

L’argument avancé mériterait pourtant qu’on en mesure toute la portée. Le corps des femmes serait-il le seul dont la marchandisation soit insupportable, le dernier champ clos dans lequel la morale garde le pas sur le droit et la politique ?

La récusation électorale de la GPA laisse croire que seul le corps de la mère porteuse y serait traité comme une marchandise, sans que jamais ne soit évoqué celui de l’enfant qu’elle mène à terme, lequel doit bien apparaître comme un objet d’échange à qui ne se voile pas les yeux.

Pourquoi n’évoque-t-on jamais la marchandisation des corps qui attendent à l’état congelé qu’un « projet parental » leur donne le droit de naître, au risque d’être éliminés, voire transformés en matériau de laboratoire, si aucun projet de cette sorte ne se présente ?

Puisque l’on s’en prend à la marchandisation de ce qui ne doit pas être considéré comme marchandable, que n’évoque-t-on le fait désormais patent qu’il existe un lucratif marché de la procréation ? L’opposition à la marchandisation du corps des femmes pourrait n’être – tristement – qu’une hypocrisie de plus de la société, ou du moins de ceux qui veulent en devenir les représentants.

 

C’est bien l’humanité qui fait de chacun un sujet de droits fondés sur cette dignité qui interdit de le considérer comme une chose marchandable. Mais que ne reconnaît-on ces droits, à commencer par celui de vivre, à tous les humains, et d’abord aux « petits d’homme » ?

Michel Nodé-Langlois

Michel Nodé-Langlois

Expert

Élève de Michel Gourinat, Michel Nodé-Langlois a travaillé sur la théorie de la connaissance de Thomas d’Aquin. Agrégé de philosophie, il a enseigné à Toulouse en khâgne classique au lycée Pierre-de-Fermat, ainsi qu'à l’ICT. Il est, entre autres, l’auteur de Commentaire de la Critique de la faculté de juger (Éditions Entremises, 2022), Y a-t-il une antinomie de la raison pure ? (Éditions Pierre Téqui, 2021), Questions de philosophie (DDB, 2014), Petite introduction à la question de l’être (Pierre Téqui, 2008). Autant de livres qui font date. Son enseignement a voulu être principalement une défense et illustration de la connaissance métaphysique, et de la loi naturelle en morale. Il a aussi traduit en 2 volumes l'ensemble des textes politiques de Thomas d'Aquin (Éditions Dalloz et Artège-Lethielleux).

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