Cellules souches embryonnaires : les indices d’une déferlante…

Publié le 1 Juil, 2002

Autorisation d’importation …

 

L’attention que vous portez aux questions d’éthique biomédicale nous conduit, à vous rappeler la décision prise par M. Roger-Gérard Schwartzenberg, ministre de la recherche, la veille de la démission du gouvernement : il a donné son autorisation pour l’importation de cellules souches embryonnaires  humaines à des fins d’expérimentation au profit du laboratoire de biologie des cellules souches humaines du CNRS.

 

En fait cette autorisation surprend : elle survient alors que la France n’autorise pas la recherche sur l’embryon : elle est donc illégale. Les textes sur lesquels se fonde cette autorisation (Loi du 1er juillet 1998 et décret du 23 février 2000) visent des cellules et des tissus provenant du corps humain d’un donneur consentant, mais ne s’appliquent pas aux embryons humains. Ensuite, le projet de loi bioéthique adopté le 22 janvier dernier par l’Assemblée nationale – et qui évoque ces questions – n’a pas encore été examiné par le Sénat. On s’étonne donc d’une telle précipitation alors même que le débat démocratique n’a pas été conduit à son terme. Enfin l’ancien ministre de la recherche a avoué, dans un communiqué de presse, qu’il avait pris une mesure en violation de la loi, ce qui met le législateur dans une situation bien embarrassante. C’est le premier indice.

 

Déclaration d’académies …

 

Le deuxième indice, c’est la déclaration de l’Académie de médecine et de l’Académie des sciences qui ont le 21 juin présenté leurs recommandations “relatives à l’expérimentation à partir des cellules souches humaines1.

L’Académie des sciences se dit “inquiète du blocage des recherches” sur les cellules souches embryonnaires et soutient l’article L.2151-3 du projet de loi voté en première lecture à l’Assemblée nationale le 22 janvier dernier selon lequel “est autorisée la recherche menée sur l’embryon humain et les cellules embryonnaires qui s’inscrit dans une finalité médicale“. 
Les académies se sont également exprimées officiellement en faveur du clonage thérapeutique disant leur “absence d’opposition de principe à l’utilisation de lignées cellulaires obtenues à partir de transfert nucléaire“. Elles appellent à comparer les recherches sur les différents types de cellules souches (embryonnaires, adultes ou obtenues par clonage thérapeutique). Et pourtant, dans le même temps, Axel Kahn affirme que “la fabrication d’embryon humain par transfert de noyau, pour en tirer des cellules souches à visée thérapeutique, est une idée irréalisable et donc non crédible“. De même le scientifique britannique John Clark du Rosling Institute d’Edimbourg (où est née Dolly) considère qu’”il est prématuré car non justifié dans l’état actuel des recherches de susciter chez les malades des espoirs de guérison basés sur la mise en oeuvre du transfert nucléaire à visée thérapeutique“. Il rappelle le très faible rendement de la technique du clonage : il faudrait 400 ovules de “bonne qualité” pour obtenir une seule culture de cellules différenciées. Quant au ministre de la Santé, il estime que “les recherches sur les embryons n’ont pas fait l’objet de débats suffisants au regard de ce qui était fait sur les cellules adultes“.

 

Recommandation des malades …

 

Le troisième indice, plus délicat à évoquer : c’est l’idée de recueillir l’avis des malades concernés par les éventuelles retombées thérapeutiques des recherches sur l’embryon et le clonage, puis d’en tirer des recommandations qui seront rendues publiques et proposées à l’Assemblée nationale à l’occasion du débat sur le projet de loi bioéthique. L’association française contre les myopathies (AFM) a organisé fin juin un débat sur le thème “Cellules souches et clonage thérapeutique : les experts face aux malades” pour confronter des scientifiques à un panel de douze personnes issues d’associations de malades. Le panel, après deux jours de formation, a donc pu poser tout au long de la journée des questions aux experts sur les avancées des recherches en cours. Les scientifiques présents, les Pr. A. Kahn, J‑P. Renard, L. Degos, M. Peschanski et A. Fischer, étaient tous favorables à la recherche sur l’embryon et certains parmi eux favorables au clonage thérapeutique. Dès lors, une question de fond se pose. Est-il légitime d’organiser ce débat avec un groupe de malades ? Que ces malades et leurs familles aient envie de guérir ne fait aucun doute. Comment des parents d’enfants malades, ou des malades eux-mêmes, peuvent-ils avouer soit qu’ils renonceraient à la guérison par n’importe quel moyen, soit qu’ils accepteraient cette guérison, même au prix de la destruction d’embryons ? Est-ce réellement au malade de définir son traitement ? Est-il plus qualifié qu’un autre citoyen pour parler d’éthique ? L’enfermer dans le choix dramatique entre la transgression ou l’incurabilité et faire ensuite de sa réponse le “socle” d’une loi à venir laisse songeur. Notons qu’entre les experts et les malades dont les objectifs semblaient converger, il n’y avait personne pour prendre acte des avancées prometteuses sur les cellules adultes, et ce, malgré la parution quelques jours plus tôt d’un article retentissant dans le journal Nature2 décrivant l’incroyable plasticité de ces cellules. Cette étude montre que les cellules souches adultes ont un extraordinaire potentiel de développement.

 

Alors que pour nombre de chercheurs 3 cette découverte est un “travail fondateur” en médecine régénératrice, “un résultat extrêmement important et d’une grande qualité4, on ne peut être que surpris de voir la précipitation de certains à promouvoir la recherche sur les cellules embryonnaires.  

 

1-  Déclaration de l’Académie de médecine et de l’Académie des sciences, juin 2002 : revue de presse 21/06/02 www.genethique.org

2- Travaux de l’équipe de C.Verfaillie, de l’Institut de cellules souches (SCI) de l’Université du Minnesota ; Nature, juin 2002

3- Commentaire de L. Coulombel, INSERM 

4- Commentaire du Pr A. Kahn

 

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