CEDH – affaire Mennesson et Labessee : une porte ouverte à la GPA

Publié le 26 Juin, 2014

Alors que la Cour européenne des droits de l’homme vient de condamner la France pour son refus de reconnaître la filiation des enfants nés par GPA à l’étranger, deux juristes réagissent : Grégor Puppinck, directeur de l’ECLJ (Centre Européen pour le Droit et la Justice) et Aude Mirkovic, maître de conférence en droit privé.

Pour Grégor Puppinck, la CEDH ouvre clairement la porte à la gestation pour autrui. Deux points doivent être soulignés.
Tout d’abord, la Cour ne se prononce pas sur la question du principe d’interdiction de la GPA mais “sur les conséquences de la prohibition” à savoir “les conséquences du refus de transcription de l’état civil à l’égard des adultes et des enfants“. Pour les parents, la Cour note que les requérants ne démontrent pas que la France, par ce refus, viole leur droit au respect de leur vie privée et familiale. Pour les enfants en revanche, “la Cour estime que les conséquences du refus de transcription ont été disproportionnées, eu égard en particulier au fait que l’intérêt des enfants doit prévaloir sur les autres considérations” explique Grégor Puppinck. Autrement dit, l’absence de reconnaissance, par le droit français, du lien de filiation des enfants, affecte les droits de ces derniers, et particulièrement le droit au respect de la vie privée.
A noter que cette absence de reconnaissance est contournée par la circulaire Taubira qui demande aux tribunaux ” ‘délivrer des certificats de nationalité française (CNF)’ aux enfants nés à l’étranger d’un père français et d’une mère porteuse” (Cf Synthèse de presse Gènéthique du 30 janvier 2013). Selon Grégor Puppinck, “cette circulaire a rendu la règlementation française incohérente, alimentant l’incertitude juridique des enfants nés par GPA“.

Ensuite, les enfants ont un lien biologique avec le père mais non avec la mère. A ce sujet, Grégor Puppinck analyse que pour la Cour, la négation de ce lien par la France suffit pour considérer qu’elle est allée trop loin. Car si les Etats ont une marge d’appréciation pour autoriser ou non la GPA et reconnaître ou non un lien de filiation entre les enfants légalement conçus, la Cour considère que la réalité biologique ne peut être niée et que la France a ainsi violé le respect dû à la vie privée des enfants.

Pour Grégor Puppinck, cette arrêt exige notamment “que la France mette fin à la contradiction et à l’incertitude juridique dans laquelle sont placés les enfants conçus par GPA et qu’elle accepte légalement la filiation biologique“. Pour lui, une telle décision “fera probablement plus de mal que de bien” car elle “encourage une pratique contraire aux droit des enfants et des mères“.

Une idée que confirme Aude Mirkovic. La CEDH, par cette décision, “nous oblige, en quelque sorte, à ‘fermer les yeux’ en cas de recours à une GPA à l’étranger“. Elle ajoute: “Vous pouvez désormais aller tranquillement à l’étranger vous acheter un enfant, la Cour européenne vous assure le service après-vente“. Pour Aude Mirkovic, peu de solutions existent une fois que “le mal est fait“. Les enfants ne peuvent être protégés en “bricol[ant] leur situation juridique“. Comment y remédier alors? “Leur éviter de subir ces PMA et GPA dont les conséquences sont irréparables“. Il faut également que “les juges refusent de collaborer à ces privations organisées de père ou de mère en refusant l’adoption par la conjointe de la mère (ou le conjoint du père), comme l’ont fait les tribunaux de Versailles et d’Aix“.

Réagissant à cet arrêt, Christiane Taubira a déclaré : “Nous n’allons pas toucher à ce principe d’ordre public (…) on ne remet pas en cause le principe d’interdiction absolue sur la gestation pour autrui. Donc on ne touche pas à notre Code civil, mais par contre nous sommes attentifs à la situation des enfants“. La secrétaire d’Etat à la Famille, Laurence Rossignol, quant à elle vient de déclarer aujourd’hui que l’arrêt de la CEDH ne sera pas contesté par le gouvernement.

NB : Ce sont les enfants, et non le couple, qui sont reconnus comme victimes d’une violation de l’article 8 (respect du droit à la vie privée et familiale).

Sources : Le Figaro (27/06/2014) ; Le Point.fr (26/06/2014)

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