Le 18 mars, le Comité Consultatif National d’Éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) a annoncé dans un communiqué la parution de son Avis n°148, consacré aux « enjeux éthiques relatifs aux situations de vulnérabilité face aux progrès médicaux et aux limites du système de soins ».
« Si les avancées scientifiques et technologiques en médecine permettent d’améliorer l’espérance de vie et la prise en charge de nombreuses pathologies, elles induisent également des effets paradoxaux », relève le Comité. « Elles peuvent complexifier certains parcours de soins et exposer certaines populations à des formes accrues de vulnérabilité. »
Assumer une « véritable responsabilité sociale »
Face à cette réalité, le CCNE souligne que « l’éthique du progrès médical ne peut se limiter à une logique d’innovation technologique et de prolongation de la vie, mais doit également intégrer une réflexion sur la qualité de vie, l’autonomie décisionnelle des patients et le respect de leur dignité ». « En ce sens, la médecine doit assumer une véritable responsabilité sociale et dépasser la simple application de savoirs et de protocoles », explique-t-il.
« L’éthique de la vulnérabilité ne doit pas être un supplément d’âme du système de santé, mais son fondement », interpelle le Dr Régis Aubry, corapporteur de l’Avis 148 et ancien membre du CCCNE.
Des recommandations de bon sens
Le CCNE formule plusieurs recommandations, sans grande nouveauté. Il préconise tout d’abord de renforcer la formation des professionnels de santé afin qu’ils puissent « mieux identifier et accompagner » les patients en situation de vulnérabilité.
Pour le Comité, l’organisation du système de soins doit également être repensée « pour permettre une prévention de ces situations, garantir un accès équitable aux traitements, limiter les ruptures de parcours et améliorer la coordination entre les acteurs de la santé et du médico-social ».
En outre, le CCNE veut promouvoir « la délibération collective et le dialogue entre soignants et patients, pour éviter les prises en charge médicales excessives ou inadaptées », et mieux reconnaître le rôle des aidants familiaux et professionnels.
Ainsi, l’objectif est de « dépasser une vision exclusivement biomédicale du soin pour s’engager dans une approche plus humaine et intégrative, fondée sur une véritable alliance thérapeutique entre soignants et patients ».
La vulnérabilité est ce qui fait « la profondeur et la vitalité » de notre humanité
Deux semaines après la publication de cet avis du CCNE, et alors que la reprise des débats relatifs à la fin de vie font de la vulnérabilité un sujet d’actualité (cf. Fin de vie : « Vous n’allez pas d’abord légiférer sur une certaine idée de la liberté ou de la fraternité, mais sur des personnes, des personnes bien vivantes ! »), Bruno Dallaporta, néphrologue et docteur en éthique spécialisé en philosophie appliquée à la santé, et Faroudja Hocini, psychiatre et psychanalyste, chercheuse associée à la chaire de philosophie à l’hôpital au Groupe hospitalier universitaire psychiatrie et neurosciences de Paris, affirment dans une tribune pour le journal Le Monde : « La vulnérabilité n’est plus une honte à cacher, elle est l’affirmation de notre humanité et même de ce qui en fait la profondeur et la vitalité ».
En effet, « la vulnérabilité n’est pas seulement une fragilité, elle est aussi une puissance d’invention au sein de laquelle les épreuves peuvent être transformées en ressources avec l’aide des autres », soulignent les deux médecins. « On a souvent parlé de résilience ou de capacité de gestion des traumatismes. En réalité, ce dont il s’agit est davantage la création d’une version inédite de soi-même et non d’une adaptation ou d’un simple réarrangement intérieur », analysent-ils.
Pour Bruno Dallaporta et Faroudja Hocini, la vulnérabilité « est en réalité un appel à notre responsabilité individuelle et collective ». Et « cette responsabilité à l’égard de l’autre vulnérable n’est pas une charité ni une pitié, elle est une vocation au cœur de l’humain ».
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