CCNE et dépistage de la mucoviscidose

Publié le 31 Mai, 2004

Cinq mille personnes souffrent, aujourd’hui en France, de la mucoviscidose, source de sévères difficultés respiratoires et digestives et 200 enfants naissent, chaque année, atteints de cette maladie génétique.

Pour que la maladie s’exprime, il faut que les deux parents soient porteurs d’une mutation responsable de la mucoviscidose. Depuis 2002, le dépistage de la mucoviscidose, systématique à la naissance, permet une prise en charge précoce. Les familles à risque peuvent recourir au dépistage prénatal, voire au diagnostic préimplantatoire (DPI) et 40 à 50 DPI sont pratiqués chaque année dans ce cadre.

 

Le CCNE opposé à la généralisation du dépistage

 

Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a été saisi par le Pr. Alain Kitzis du CHU de Poitiers sur son protocole de dépistage de la mutation du gène CFTR (responsable de la mucoviscidose) proposant de coupler le dépistage prénatal de la mucoviscidose avec celui de la trisomie 21. L’enjeu était donc de décider si ce dépistage devait être généralisé : faut-il proposer aux 750 000 femmes qui sont enceintes chaque année, un test de dépistage afin d’éviter, par l’interruption dite médicale de grossesse, la naissance de 200 enfants atteints de muco-viscidose ?

 

Le CCNE s’est opposé à la généralisation de ce protocole pour des raisons techniques et il apporte des réflexions plus générales sur ce dépistage jugé pas assez fiable (le test ne dépisterait que 80 % des couples à risque), trop anxiogène pour les parents, difficilement applicable dans le cadre du « consentement éclairé » et à caractère eugénique.

 

Le CCNE a également rappelé les risques liés à l’amniocentèse : 1 à 3 % de fausses couches. Ce taux de fausse couche, appliqué au nombre de femmes enceintes (750 000) pour dépister 200 enfants, invite à la réflexion… L’exemple du dépistage des trisomiques 21 est parlant. Le professeur Israël Nisand le rappelait en avril 2000 dans La Croix : sur 55 000 femmes qui ont eu recours à l’amniocentèse parce qu’elles présentaient un risque accru de trisomie, 550 fausses couches ont été provoquées alors qu’on a décelé “seulement” 280 cas de trisomie…

 

Risque d’eugénisme 

 

Le CCNE a soulevé « la question de la possible résonance eugénique » d’un tel test et le risque de « stigmatisation sociale accrue » des enfants non dépistés et des parents qui auraient refusé le dépistage, comme c’est déjà le cas  pour la trisomie 21. Il souligne que les enfants malades « pourraient considérer comme une grande souffrance le fait que leur naissance soit désormais perçue comme inappropriée. » Le Père Olivier de Dinechin, membre du CCNE, « redoute terriblement le développement de ces tests.

 

Cette pathologisation excessive de la grossesse et le risque de laisser des séquelles dans la relation parent-enfant est sans commune mesure avec le risque réel de survenue de la mucoviscidose sur l’enfant à naître. »

 

Politique de dépistage au détriment de la recherche 

 

 « L’effort qui pourrait être porté sur ce dépistage risquerait de l’être au détriment des malades… qui réclament une recherche active des procédés permettant de guérir leur affection. Le financement d’un dépistage généralisé risque de se faire au détriment de celui d’une telle recherche. Or des progrès en ce domaine sont possibles. » Comment ne pas faire de parallèle avec le dépistage actuel des trisomiques 21 ? Il est intéressant de constater que les craintes exprimées ici par le CCNE sont une réalité dans le cas de la trisomie 21.

 

Cent millions d’euros sont dépensés, chaque année, pour ce dépistage alors qu’aucun fonds public n’est accordé à la recherche (chiffres du rapport de la Cour des Comptes de 2003). Les 50 000 personnes trisomiques en France n’ont-elles pas le droit d’espérer de la politique de santé publique autre chose que d’être dépistées ? Rappelons qu’un fœtus sur 700 est porteur d’une trisomie 21…

Le CCNE travaille aujourd’hui sur l’opportunité du dépistage prénatal de la surdité…

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