Le groupe de défense des libertés civiles qui a été à l’origine de la dépénalisation de l’« aide médicale à mourir » (AMM) au Canada en 2016 [1] est désormais inquiet. Il appelle le gouvernement à intervenir [2].
La British Columbia Civil Liberties Association (BCCLA) avait en effet intenté l’action en justice qui a abouti à la dépénalisation de l’euthanasie en Colombie-Britannique puis à l’adoption d’une loi au niveau fédéral. Liz Hughes, directrice exécutive de la BCCLA depuis juin 2023, a déclaré que le groupe était « au courant de rapports préoccupants concernant des personnes à qui l’on offre une AMM dans des circonstances qui ne sont peut-être pas légalement admissibles, ainsi que des personnes qui accèdent à l’AMM en raison de conditions sociales intolérables » (cf. Pauvreté, obésité, deuil : des euthanasies « moralement éprouvantes » au Canada ; Canada : une femme handicapée accusée d’être « égoïste » parce qu’elle refuse l’euthanasie). Elle appelle le gouvernement à agir en mettant en place des « garanties appropriées » (cf. Projet de loi fin de vie : « Cette loi est à la dérive avant même d’avoir quitté le port »).
En 2018, Santé Canada estimait que les décès après une « aide médicale à mourir » ne dépasseraient pas 2,05 % du total. En 2023, on en a pourtant recensé près de un sur 20, soit plus du double [3] (cf. Canada : plus de 15 000 euthanasies en 2023, un chiffre encore en augmentation). Cette année-là, 47,1% des Canadiens qui ont fait une demande alors qu’ils n’étaient pas en phase terminale ont déclaré que « l’isolement ou la solitude » était l’une des causes leur requête. En outre, près de la moitié des personnes décédées après une AMM, qu’elles soient en phase terminale ou non, ont indiqué que leur demande était notamment motivée par leur volonté de ne pas devenir un « fardeau pour leur famille, leurs amis ou les soignants ».
Les militants canadiens de la mort administrée semblent enfin découvrir que dépénaliser l’euthanasie ou le suicide assisté conduit inévitablement à une pente glissante (cf. Euthanasie : la pente glissante). Alors que le débat sur la fin de vie pourrait revenir en France dans les prochaines semaines, allons-nous répéter les mêmes erreurs ? (cf. Fin de vie : « Le Canada a fait des personnes handicapées une catégorie de personnes pouvant être tuées »)
[1] « En février 2015, la Cour suprême du Canada a statué dans l’affaire Carter c. Canada que certaines dispositions du Code criminel devaient être modifiées afin de se conformer à la Charte canadienne des droits et libertés. Comme les dispositions qui interdisaient l’aide médicale à mourir ne seraient plus valides, elle a exigé que le gouvernement crée du droit nouveau d’ici le 6 juin 2016. En juin 2016, le Parlement du Canada a adopté une loi fédérale qui permet aux adultes admissibles, au Canada, de demander l’aide médicale à mourir. » Source : Ministère de la Justice du Canada
[2] National Post, ‘It’s being abused:’ Group that led campaign for MAID is now calling for safeguards, Miranda Schreiber (19/12/2024)
[3] Environ 15300 Canadiens sont décédés après une « aide médicale à mourir » en 2023. Cela représente 4,7% des décès du pays. Un taux qui s’élève à 7,2% au Québec. Le chiffre de 2023 est en hausse par rapport à l’année précédente, de 15,8%.