Mardi matin, la commission spéciale bioéthique de l’Assemblée Nationale auditionnait Anne Courrèges, directrice de l’Agence de Biomédecine, instance créé par la loi de bioéthique de 2004.
Une audition déconcertante, non pas tant sur les sujets évoqués et les positions dévoilées que sur la forme : les députés se sont vus expliquer pendant deux heures les mesures contenues dans le projet de loi bioéthique. Où l’on s’interroge sur le travail de cette commission et le but de ces auditions : donner une ultime occasion de lobbying à des auditionnés triés sur le volet ? Fournir aux députés quelques bases sur ces sujets dont la plupart semblent ignorer les tenants et les aboutissants ? Ou encore créer un semblant de débat pour mieux passer en force par la suite ?
Sur les sujets concernant l’Agence de Biomédecine, Anne Courrèges exprime sa satisfaction face aux mesures contenues dans le projet de loi : assouplissement des « contraintes » encadrant le don croisé d’organes, pas de changement quant au consentement présumé au don d’organes, retrait des missions de veille sur les neurosciences et les nanobiotechnologies à son Agence. Sur la recherche sur l’embryon, elle estime que le texte « sécurise les travaux de l’agence », avouant par là même travailler sur des sables mouvants. Sans complexe, elle mentionne un « regain d’intérêt » pour ce type de recherche, et va même jusqu’à citer l’essai clinique français mené par le professeur Menasché pour l’illustrer, sans préciser que cet essai n’a rien donné et que ledit professeur s’oriente désormais vers d’autres sources de cellules souches.
Quant aux sujets dits « sociétaux », elle invoque à maintes reprises son « devoir de réserve », l’Agence étant sous tutelle du ministère de la Santé. Tout en laissant entendre que les travaux sont déjà lancés pour créer un registre des donneurs de sperme, conséquence concrète de l’accès aux origines pour les enfants issus d’un don contenu dans le projet de loi. Des campagnes sur le don de gamètes sont aussi « sur le feu », pour répondre aux demandes qui ne manqueront pas d’augmenter une fois ce projet de loi voté.
Anne Courrèges ne semble pas préoccupée par le budget nécessaire à la mise en place de tous ces travaux, les négociations avec le ministère semblant aller bon train. Son audition laisse entendre que les mesures du projet de loi sont déjà en œuvre, avant même que l’examen du texte n’ait commencé…
NDLR: Anne Courrèges a annoncé au mois de juillet son départ de l’ABM pour retourner au Conseil d’Etat, sans en donner la raison.
Pour aller plus loin :
Loi de bioéthique : le débat parlementaire aura-t-il seulement lieu ?
Mise en place de la commission parlementaire chargée d’examiner le projet de loi bioéthique
A l’Assemblée nationale, les représentants de l’industrie procréatique enfoncent le clou