Bioéthique : la démission des politiques

Publié le 12 Fév, 2007

Le Monde revient sur les rencontres parlementaires qui se sont tenues mercredi dernier à l’Assemblée dans la perspective de la révision de la loi de bioéthique de 2004, prévue en 2009  (cf. synthèse de presse du 08/02/07). Ces rencontres étaient organisées par les députés UMP Pierre-Louis Fagniez  et Valérie Pecresse sur le thème : « Quelles révisions de la loi de bioéthique ? ». Les parlementaires ont abordé les trois grands thèmes suivants : l’assistance médicale à la procréation (AMP), le don d’éléments du corps humain et la recherche sur l’embryon et les cellules souches.

A la suite de ces rencontres, Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme Lejeune, dénonce une « machinerie » dont le seul but était de « pré-vendre de nouvelles transgressions à incorporer dans le droit, au plus tard en 2009 ».

Pour Jean-Marie Le Méné, trois conclusions sont à tirer de cette journée.

La première est que les politiques s’en remettent aveuglement aux techno-scientifiques, à défaut d’avoir leurs propres idées, leurs propres principes ou même uniquement leurs propres intuitions. Toutes les propositions formulées par ces scientifiques – de celle du Pr. Claude Sureau de donner à l’embryon un statut intermédiaire entre la personne et la chose, c’est-à-dire celui d’un animal, à celle d’Israël Nisand en faveur du clonage thérapeutique, des maternités de substitution et de l’homoparentalité, en passant par celle de René Frydman et de Pierre Jouannet, plaidoyer pour la création d’embryons pour la recherche… – n’ont trouvé que l’« encéphalogramme plat » des politiques comme répondant.

Attendre, sans broncher, que les propositions soient énoncées par ces techno-scientifiques, qu’elles fassent l’objet d’un pseudo consensus avant d’être portées par un puissant lobby puis médiatisées, c’est-à-dire quasiment adoptées : voilà  à quoi sont bons les politiques qui ont délaissé toute réflexion sur ces sujets cruciaux en même temps que « le service de l’intérêt général ».

On arrive ainsi au deuxième point de conclusion selon lequel la conscience des politiques répond aux abonnés absents. Seul Bertrand Mathieu, professeur de droit, « a osé briser certains tabous » en rappelant que l’ « on ne pouvait pas renvoyer systématiquement les valeurs fondamentales à la sphère des opinions personnelles et que le débat ne pouvait pas être escamoté par des tours de passe-passe sémantiques ». [NDLR : rappelons que Pierre-Louis Fagniez propose de parler, pour une même réalité, de « transposition nucléaire » plutôt que de « clonage ».] « Si l’on fait disparaître tout principe, au nom de quoi interdira-t-on demain des pratiques qui nous semblent encore aujourd’hui inacceptables ? » Il n’y a qu’à voir combien les « barrières » posées par la loi de bioéthique de 2004 [NDLR : dont les décrets d’application viennent à peine d’être votés] sont d’ores et déjà bousculées, notamment celle interdisant la recherche sur les cellules embryonnaires. Bien qu’Axel Kahn lui-même ait déclaré que les cellules souches adultes étaient plus performantes que les cellules souches embryonnaires, les politiques s’évertuent à proclamer leur préférence pour ces-dernières.

Une troisième conclusion s’impose enfin : la manipulation de l’opinion publique. Manipulation flagrante si l’on regarde par exemple la manière dont a été réalisée l’enquête de l’Agence de biomédecine dévoilée mercredi. Dans la salle, le professeur de droit Florence Bellivier a demandé la parole pour exprimer la « stupéfaction générale devant le caractère induit de certaines réponses proposées ».

Selon ces sondages, les Français seraient majoritairement favorables à l’AMP, au diagnostic prénatal (DPN) et préimplantatoire (DPI) ou encore aux mères porteuses et à la recherche sur l’embryon, tout en ayant une « représentation assez confuse » de l’embryon. Les Français seraient donc « hyper branchés »  sur des «  techniques qui leur échappent totalement ». Face à de telles manipulations, le rôle des politiques ne devrait-il pas être de défendre leurs citoyens ? « Et puis, quand bien même 99,99% de l’opinion publique serait-elle convaincue que l’embryon n’est qu’un amas de cellules, en quoi cela changerait-il d’un iota de la réalité ontologique de l’être humain dans sa plus extrême jeunesse ? », conclut Jean-Marie Le Méné.

Le Monde (Paul Benkimoun) 10/02/07 – Décryptage (Jean-Marie Le Méné) 09/02/07

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