Qu’est-ce que la bioéconomie ? C’est une approche qui considère le corps comme un gisement, très rentable, de matières premières économiques. Elle s’est développée depuis les années 70, quand, suite à la crise pétrolière, l’Occident des passé de l’exploitation des énergies fossiles au « monde vivant comme une mine à explorer ».
Finalement nos corps peuvent être considérés comme des réservoirs de pièces détachées (gènes, cellules, organes, tissus…), exploitables indépendamment, et qui représentent un marché pour de nombreuses industries, laboratoires, cliniques, agences. Un marché comme un autre, finalement… « 5 millions d’enfants dans le monde sont nés par fécondation in vitro depuis 1978, explique par exemple Laetitia Pouliquen, auteur de Femme 2.0. Les projections de croissance du marché sont de 4,4 % par an de 2016 à 2023, pour atteindre 31,4 millions de dollars en 2023, alors que le taux d’infertilité est stable depuis 20 ans ».
Cette nouvelle économie modifie notre rapport au monde et au corps, car « une valeur quasi sacrée accordée à la santé » justifie toute appropriation par la science d’ « éléments corporels ». Cela crée en outre une véritable course à l’innovation et au dépôt de brevet, et tout est bon pour obtenir des fonds publics, même des promesses que la recherche n’arrive jamais à tenir.
Le citoyen devient peu à peu un « biocitoyen » : il pense sa santé, définit lui-même son identité, revendique le droit à un corps parfait, investit dans son corps et ses propres produits biologiques… Le partage et le recyclage d’éléments corporels (don du sang, don d’organes…) devient un principe en soi, ainsi que le « sacrifice » d’embryons humains pour la recherche. Les éléments corporels de centaines de milliers de personnes sont collectés et analysés par des biobanques, menant à une médecine de plus en plus personnalisée qui représente un marché formidable pour l’industrie pharmaceutique.
Les enjeux financiers sont énormes. Pour Georges Dagher, directeur de l’infrastructure nationale Biobanque, la « course à la productivité » a déjà transformé ces « données de santé » en « simples marchandises, qui s’acquièrent au coût le plus bas, se stockent et se monnaient ». Cette monétisation facile de l’humain pousse de facto au trafic d’organes (10 % des reins implantés, d’après l’OMS). « Une médecine à deux vitesses apparaît, où les plus riches, pour améliorer leur santé, se nourrissent de celle des plus défavorisés ». Avec en prime un véritable « tourisme médical high tech ».
Jean-Daniel Rainhorn, professeur de Santé internationale et d’action humanitaire à la Maison des sciences de l’homme à Paris s’alarme : « La médecine ne traite plus l’humain comme un humain mais comme un objet, et se rend complice de pratiques qui portent atteinte à l’intégrité du corps et à la dignité humaine ».
Famille Chrétienne (22/02/2018)