Suite à l’annonce de la première modification génétique, via la technologie d’édition du génome CRISPR-Cas9, de jumelles en Chine par le chercheur He Jiankui (cf. Chine : naissance de deux bébés génétiquement modifiés), un débat a eu lieu au Parlement européen pour éviter que des expériences humaines non éthiques n’aient lieu par le biais de cette technique disruptive.
« La question qui nous occupe aujourd’hui est d’une importance majeure compte tenu du discours scientifique actuel. Il implique un besoin impérieux et un appel quant aux questions liées à la dignité humaine, aux droits humains, à l’intégrité et l’égalité, non seulement au regard des risques et des bénéfices de l’individu, mais aussi en lien avec la société dans son ensemble », a expliqué le député MEP[1] Miroslav Mikolášik. Avec Peter Liese, député MEP, ils sont ensemble les auteurs d’une initiative parlementaire de l’EPP[2]. Ils estiment que la réponse, touchant à l’édition de bébés CRISPR-Cas9, ne peut pas se limiter à un simple appel au respect des standards de sécurité et d’efficacité. En effet, il ne s’agit pas seulement de savoir comment ces manipulations ont été faites, mais avant tout de prendre en considération les implications transnationales considérables du génie génétique de la reproduction, qui comportent des risques de société alarmants et des préoccupations éthiques.
Les techniques d’édition du génome ont le potentiel révolutionnaire de pouvoir faire avancer la médecine de précision. La distinction entre la modification intentionnelle du génome à des fins de thérapies somatiques et la modification du génome de lignée germinale est toutefois essentielle pour une conception et une interprétation correctes des résultats scientifiques.
Si la thérapie somatique, qui vise à traiter le patient, progresse actuellement dans sa phase d’essais cliniques selon des critères de translation rigoureux ; celle concernant la modification de la lignée germinale touchera toutes les générations à venir avec des risques sérieux d’effets néfastes non intentionnels.
« La biotechnologie moderne offre d’énormes opportunités, mais elle doit être encadrée dans des limites strictes. L’intervention sur la lignée germinale humaine n’est pas acceptable dans toutes les circonstances. Je suis très heureux que le président du Conseil montre de façon claire que c’est aussi une violation de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne », a ajouté Peter Liese. Il considère que l’Union européenne devrait réitérer avec fermeté sa position, ancrée dans une gouvernance éthique de la science et des nouvelles technologies. Elle ne peut se limiter à une autorégulation exclusive de la communauté scientifique par elle-même eu-égard aux conséquences majeures de l’introduction de modification héréditaires dans la lignée germinale.
Par ailleurs, étant donné que la confiance du public dans toutes les nouvelles technologies constitue une partie vitale du progrès humain, les députés estiment qu’un débat public plus large aux niveaux national et supranational basé sur une communication scientifique correcte, est nécessaire. Aussi, ils plaident pour que l’Union européenne et de Conseil de l’Europe prenne le leadership en vue de la promotion d’un moratoire global concernant les modifications de la lignée germinale et créée une plateforme afin que le public puisse s’engager dans la discussion.
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