Avis du Comité consultatif National d’Ethique : vers quels abîmes ?

Publié le 25 Sep, 2018

Le CCNE[1] publiait ce matin son avis n°129, contribution du Comité d’éthique à la révision de la loi de bioéthique. Et en dehors de la fin de vie, cette contribution  semble multiplier les transgressions. Si les rédacteurs estiment avoir tenu compte des débats qui ont eu lieu lors des états généraux de la bioéthique, leurs conclusions laissent dubitatifs. Petit tour d’horizon sur quelques enjeux saillants.

 

PMA

 

S’il encourage le statu quo concernant « l’interdiction de la Gestation pour autrui », sur la PMA, comme il s’y était engagé juin 2017 (cf. Avis favorable du CCNE sur la “PMA pour toutes”

et Le CCNE ouvre la voie vers la “PMA pour toutes”, décryptage d’un avis controversé), le CCNE maintient son avis favorable à une ouverture aux couples de femmes et aux femmes seules. Il y ajoute une ouverture à l’auto-conservation des ovocytes pour toutes, et à la PMA post-mortem : « c’est-à-dire au transfert in utero d’un embryon cryoconservé après le décès de l’homme ».

 

Timidement et avec précautions, demandant « une réflexion complémentaire sur les modalités de sa mise en place », il propose la levée de l’anonymat des « futurs » donneurs de sperme, « cette levée éventuelle de l’anonymat ne concerne pas les dons déjà effectués ».

 

Seuls deux membres du CCNE, Yves Charpenel et Florence Gruat, s’opposent encore à la « PMA Pour toutes » et à l’autoconservation des ovocytes. Que sont devenus les autres ?

 

Dépistages et diagnostiques anténataux

 

Sur ces questions, le Comité d’éthique multiplie les brèches. Favorable aux examens génétiques sur prélèvement de patient décédé (cf. En France, le Sénat adopte la proposition de loi autorisant des examens génétiques post-mortem et Vers une autorisation des analyses génétiques sur personnes décédées ? et Sénat : Faut-il autoriser les examens génétiques sur personnes décédées ?), il milite pour le développement du DPNI, notant, cynique, que « l’efficacité de ce dépistage aura probablement pour conséquence de diminuer le nombre de naissances d’enfants porteurs d’une trisomie 21, même s’il ne s’agit pas d’un objectif affiché en tant que tel » et évoque son élargissement « à un nombre supérieur d’anomalies génétiques ».

 

Jusqu’ici épargnées, il se prononce en faveur de la recherche d’aneuploidies, c’est-à-dire les trisomies 21,18 et 13, « au cours des fécondations in vitro », notamment, « pour les couples ayant recours au diagnostic pré-implantatoire ».

 

Le comité d’éthique préconise aussi l’extension du dépistage pré-conceptionnel. Il prône une ouverture à toutes les personnes en âge de procréer avec pour seule limite qu’elles doivent en faire « la demande, après information et consentement éclairé ». Dans la pratique, d’autres tests sont aujourd’hui proposés, les examens concernant le dépistage de la trisomie 21, par exemple, sont censés être laissés à la discrétion de la femme enceinte. Dans les faits, ils lui sont la plupart du temps imposés, les femmes ignorant souvent qu’elles ont le droit de les refuser. Cette nouvelle « liberté » sera-t-elle imposée dans quelques années ? Ce dépistage ne devrait « concerner qu’un panel de mutations considérées comme responsables de pathologies monogéniques graves, survenant chez l’enfant ou l’adulte jeune, selon  une liste volontairement restreinte établie et mise à jour par l’ABM. Les pathologies de survenue tardive ou associées à certains gènes de prédisposition seraient exclues de cette liste. La liste restreinte des gènes étudiés permettrait que ce diagnostic soit  réellement une approche préconceptionnelle et non une étude génétique systématique et globale de la population générale ». Mais cette liste pourrait s’élargir à d’autres pathologies, dépistées sur la « base du volontariat ». Il est recommandé que le dépistage pré-conceptionnel soit « pris en charge par l’assurance maladie ».

 

De petits pas en petits pas, ces mesures engagent vers un eugénisme large et « démocratique » (cf. Bioéthique et Embryons in vitro : Diagnostic pré-implantatoire, la face cachée d’un l’eugénisme démocratique ?).

 

 

Recherche sur l’embryon

 

Après avoir considéré que le cadre de la loi de 2011 était actuellement inadapté, le CCNE se propose de libéraliser encore la recherche sur l’embryon.

 

Il considère que la recherche sur les embryons surnuméraires issus de PMA est « justifiée », il ajoute : « y compris avec des modifications génétiques, à condition du non transfert de l’embryon », et s’interroge sur la nécessité d’inscrire les deux critères de finalité médicale et d’absence d’alternative à la recherche dans la loi. Il estime qu’un autre cadre « plus général pourrait garantir le principe du respect de l’embryon, sans brider la recherche, tout en s’assurant de la qualité scientifique de l’équipe de recherche, la solidité du protocole, et l’argumentation scientifique ».

 

Comme déjà évoqué lors de son rapport sur les états généraux de la bioéthique (cf. Rapport du CCNE sur les Etats Généraux de la bioéthique : quels enjeux pour la prochaine loi ?), le Comité d’éthique propose de ne plus soumettre recherche sur embryons et sur cellules souches embryonnaires au même régime juridique, ouvrant la voie à de nombreuses manipulations sur l’humain.

 

Seule demeurent encore, l’interdiction de la création d’embryons à des fins de recherche, d’embryons transgéniques en vue d’une implantation ou d’embryons chimériques insérant des cellules humaines dans un embryon animal. Il souhaite que la limite temporelle de culture de l’embryon soit précisée et fixe cette limite au 14e jour. Une limite qui n’a jamais reçu de justification scientifique (cf. Recherche sur l’embryon humain : D’où vient la règle des 14 jours ? et Recherche sur l’embryon : Sur quoi se fonde la règle des 14 jours ?).

 

La veille de la remise du rapport l’Elysée a précisé que l’avis rendu « ne préjuge de rien de la décision du gouvernement concernant la procréation médicalement assistée »[2], soulignant que ce « n’est pas un avant-texte de loi » et estimant que le débat éthique sur la PMA « n’est pas au bout ». Il a indiqué que le gouvernement n’était pas « dans l’affirmation dogmatique de ‘ça va se faire malgré tout le monde’ ». Une formulation assez symptomatique de la mauvaise popularité de fond de ces réformes et de leur dimension éminemment clivante. « Pour autant », précise l’Elysée « il ne faut pas craindre d’avancer ». Vers quel abîme ?



[1] Comité Consultatif  National d’Ethique.

 

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