Autoriser la recherche sur l’embryon humain pour favoriser les investissements ?

Publié le 1 Déc, 2010

Le 30 novembre 2010 a eu lieu une rencontre organisée par le Comité Biotechnologies du LEEM (Entreprises du Médicament) sur la recherche en thérapie cellulaire : étaient présents Didier Hoch, président du Comité Biotechnologies du LEEM, Annick Schwebig, vice-présidente du Comité Biotechnologies du LEEM, le Pr. Marc Peschanski, président d’I-Stem et le Pr. Philippe Ménasché, de l’unité de chirurgie cardiaque de l’hôpital Georges Pompidou.  A cette occasion, le LEEM a brièvement présenté une étude de février 2010 sur la thérapie cellulaire intitulée “Des cellules pour la santé” et une étude de 2007 réactualisée : “Thérapies cellulaires et ingénierie tissulaire. Attractivité et compétitivité de la France“. Ces études évoquent  les avancées thérapeutiques de la recherche sur les cellules souches et les enjeux industriels et économiques de celle-ci.

Le LEEM explique que le marché de la thérapie cellulaire est encore émergent, représentant 3% du marché mondial de la médecine régénératrice, c’est-à-dire 100 millions de dollars. Les produits de thérapie cellulaire qui seront disponibles à court terme sont peu nombreux puisque seuls quelques essais de phase III sont actuellement en cours. Toutefois, le marché de la thérapie cellulaire devraient croître de plus de 44% d’ici à 2012 étant donnés les potentiels thérapeutiques de nombreux produits issus de cellules souches. Les produits actuellement commercialisés concernent la dermatologie (le traitement des plaies notamment) et la réparation osseuse et cartilagineuse. La plupart de ces produits usent de cellules différenciées (chondrocytes, kératinocytes), seuls 3 produits utilisent des cellules souches. Parmi les avancées dans ce domaine, le LEEM souligne les potentialités des cellules iPS obtenues à partir de cellules adultes et dotées de propriétés similaires à celles des cellules souches embryonnaires humaines. Les iPS ont de larges perspectives d’application, notamment pour la médecine personnalisée grâce à la possibilité de produire une grande variété de cellules à partir d’une cellule d’un patient. Elles sont aussi utiles pour améliorer le screening des molécules et pour la toxicologie prédictive, utilisés dans l’industrie pharmaceutique pour élaborer des médicaments et en tester la non-toxicité. Pour Didier Hoch, “la France se pénaliserait si elle restait bloquée sur les cellules souches embryonnaires. Il faut faire la différence et avancer en étant à la pointe autour de ces cellules souches induites à la pluripotence. L’enjeu actuel est de développer cette filière industrielle. Nous avons la chance d’avoir en France ce potentiel de développement pour figurer parmi les leaders dans la médecine ciblée et régénératrice“. Formidables outils pour développer une médecine ciblée, et représenter in vitro la diversité génétique présente dans une population, les cellules iPS pourront aussi être utilisées pour le traitement de maladies dégénératives ou pour réparer un tissu abîmé.

Selon Didier Hoch, la France a un savoir-faire concernant les récentes avancées sur les iPS qui représentent un “vrai domaine d’évolution de la médecine et de la recherche et développement pour les quinze à vingt ans à venir“. Il évoque la création d’une “plateforme industrielle compétitive” autour des iPS. “Cette technologie pourrait conduire à terme à une filière économique complète : ingénierie cellulaire, différenciation et production à grande échelle sous standard de bonnes pratiques de fabrication, recherche clinique et enfin thérapeutique“.

Les Pr. Marc Peschanski et Philippe Menasché ont dit leur volonté de voir autorisée la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines. Ils affirment qu’il ne faut pas donner l’exclusivité à l’un ou l’autre type de cellules souches dans une perspective clinique. Tous deux affirment s’être tournés vers les cellules souches embryonnaires parce qu’ils les considèrent plus adaptées pour trouver un traitement des maladies sur lesquelles ils travaillent. Alors que l’on est aujourd’hui à “une période charnière de l’industrialisation” de la thérapie cellulaire selon les mots de Didier Hoch, la France pâtit, selon Marc Peschanski, directeur du laboratoire I-Stem, d’une “loi bizarre” qui interdit la recherche sur les cellules embryonnaires humaines tout en l’autorisant par dérogation. Avec Philippe Ménasché, il estime que la France est actuellement “mal placée” pour obtenir des investissements nécessaires au développement industriel et clinique des recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines.

Il “faut faire sauter l’interdiction” de la recherche sur l’embryon, a déclaré Marc Peschanski, car cela autoriserait les industriels à investir massivement et dans le long terme en France, sans quoi les équipes françaises devront aller travailler à l’étranger. Cette interdiction est contraignante parce qu’elle place les industriels sous la menace d’éventuelles poursuites judiciaires, a-t-il ajouté, faisant référence au recours de la Fondation Jérôme Lejeune contre une autorisation de recherche donnée par l’Agence de la biomédecine à son laboratoire I-Stem (Cf. Synthèses de presse du 06/10/10 et du 18/10/10).  Il a également expliqué en quoi les cellules souches embryonnaires humaines sont utiles à l’industrie pharmaceutique, notamment pour le développement de la toxicologie prédictive, visant à tester l’éventuelle toxicité de médicaments sur l’homme. L’accès aux modèles animaux étant de plus en plus restreint, et ceux-ci n’étant pas toujours efficaces, les cellules embryonnaires humaines sont les plus adaptées pour s’assurer de la non-toxicité des produits pharmaceutiques ou cosmétiques. Marc Peschanski a également déclaré que la France n’était pas en pointe sur les cellules iPS parce qu’elle n’a pas permis la recherche sur les cellules embryonnaires humaines, les iPS requérant les mêmes conditions de culture et les mêmes compétences que les cellules souches embryonnaires.

Selon le Pr. Philippe Menasché, la loi de bioéthique actuelle n’empêche pas le travail des chercheurs mais l’interdiction de la recherche sur l’embryon est problématique pour la visibilité des travaux français à l’étranger. C’est la recherche en amont qui est selon lui empêchée par l’interdiction de la recherche sur l’embryon. Celle-ci est en effet permise par dérogation si elle suit une finalité thérapeutique, ce qui “exclut la recherche fondamentale” a déploré Annick Schwebig.

Le 25 novembre 2010, la ministre de la recherche, Valérie Pécresse, avait affirmé le soutien de l’Etat aux chercheurs travaillant avec des cellules souches embryonnaires humaines (Cf. Synthèse de presse du 26/11/10).
 

Gènéthique 01/12/10

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