Anonymat du don de gamètes: la CEDH condamnera-t-elle la France ?

Publié le 13 Déc, 2017

D’ici quelques semaines, la Cour européenne des droits de l’homme doit se prononcer sur la recevabilité de l’affaire Audrey Kermalvesen, puis dire « si le principe d’anonymat des donneurs inscrits dans le droit français est compatible avec la convention européenne des droits de l’homme ».

 

Audrey Kermalvesen est une jeune femme conçue par insémination avec donneur anonyme de sperme. Adulte, elle a entrepris des démarches pour obtenir des informations relatives au donneur à l’origine de sa conception, en vain. Le Conseil d’Etat a refusé en novembre 2015 de faire droit à sa demande, invoquant trois raisons :

  • La « sauvegarde de l’équilibre des familles et le risque majeur de remettre en cause le caractère social et affectif de la filiation », c’est-à-dire la protection du parent infertile contre toute stigmatisation et celle du couple face au donneur. Un argument dénoncé comme « désuet ».
  • Le « risque d’une baisse substantielle des dons de gamètes », une déduction jugée « utilitariste » et démentie par l’exemple des pays qui ont levé l’anonymat (Suède, Suisse, Royaume-Uni).
  • Le « risque d’une remise en cause de l’éthique qui s’attache à toute démarche de don d’éléments ou de produits du corps humain », une analyse qui apparente les gamètes aux autres organes ou tissus pouvant faire l’objet d’un don. Pourtant, « si une greffe de poumon va sauver la vie du receveur, elle ne va pas changer son identité ».

 

Le Conseil d’Etat a donc conclut « à la compatibilité du principe d’anonymat avec la Convention européenne des droits de l’homme ». Ayant « épuisé les voies de recours à l’échelle nationale », Audrey Kermalvezen a saisi la CEDH, qui pourrait trancher différemment, car elle « reconnait un droit à la connaissance de ses origines personnelles, y compris génétiques ». D’abord saisie par les personnes nées sous X, « la cour a réaffirmé à plusieurs reprises son approche de la reconnaissance des origines génétiques d’une personne en tant qu’élément important de sa vie privée »[1]. La « nécessité de connaitre ses origines génétiques restant la même, que leur ignorance tienne au fait d’être né sous X ou conçu par don de gamètes », on peut « supposer » que la France sera condamnée.

 

Pour aller plus loin : Audrey Kermalvezen soulève les paradoxes du don de gamètes

 

[1] Arrêt Jäggi contre la Suisse du 3 juillet 2006 ; Arrêt Pascaud contre la France du 16 juin 2011 ; Arrêt Godelli contre l’Italie du 25 septembre 2012, tous trois rendus « en faveur des personnes demandant à connaitre leur ascendance ».

The Conversation, Valérie Depadt (14/12/2017)

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