Alimentation et hydratation artificielles et la Congrégation pour la Doctrine Foi

Publié le 30 Sep, 2007

Réponse aux questions de la Conférence épiscopale américaine

 

En Septembre ont été rendues publiques des réponses apportées par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi à des questions de la Conférence épiscopale des Etats-Unis concernant l’alimentation et l’hydratation artificielles de patients en ″état végétatif″ ou en ″état végétatif permanent″. Les questions ont été présentées quelques mois après la mort en Floride de Terri Schiavo, patiente diagnostiquée en “état végétatif persistant” depuis une quinzaine d’années, et dont la question de l’arrêt de la nutrition par sonde avait donné lieu à un débat de portée internationale.

 

Une obligation morale ?

 

Les deux questions portaient sur le caractère moralement obligatoire de l’administration d’eau et de nourriture au patient en ″état végétatif″, et la possibilité d’interrompre l’alimentation et l’hydratation quand celles-ci sont fournies par voies artificielles à un patient en ″état végétatif permanent″. La Congrégation a répondu qu’il était moralement obligatoire en règle générale d’alimenter et hydrater, même par des voies artificielles, le patient en ″état végétatif″, et qu’il ne fallait pas en règle générale interrompre l’alimentation et l’hydratation par voies artificielles d’un patient en ″état végétatif permanent″.

 

A cela a été joint un commentaire, rappelant notamment que les réponses de la Congrégation se situent dans la ligne de plusieurs documents du Saint Siège, entre autres un discours de Jean-Paul II du 20 Mars 2004. Comment comprendre ces réponses ? Le patient en ″ état végétatif″ est un patient qui est sorti du coma et dont les systèmes respiratoire et cardio-vasculaire fonctionnent de manière autonome. L’on observe une alternance de périodes d’ouverture et de fermeture des yeux, mais le patient ne donne aucun signe perceptible de conscience de lui-même et de son environnement. L’″état végétatif″ est considéré comme ″permanent″ lorsqu’il dure plus d’un an. En effet, les possibilités d’évolution sont alors quasi nulles. L’espérance de vie de ces patients est de 2 à 5 ans en moyenne.

 

Le patient en ″état végétatif ″ est donc dans un état de vie très diminué et de grande dépendance. Cependant, il n’est pas ″en danger de mort imminente″. Sa situation n’est pas celle d’un patient en fin de vie, mais plutôt celle d’un patient très gravement handicapé nécessitant ″une assistance continue durant des mois voire des années″. Il est très difficile d’évaluer la souffrance de ces patients.

 

Familles et soignants

 

En revanche, il est clair que le fait d’avoir un proche dans un ″état végétatif ″ qui se prolonge dans le temps est une ″charge notable″ pour la famille. L’accompagnement de ces patients et de leurs familles est souvent lourd à porter pour les soignants. C’est surtout à partir de cette épreuve des familles et des soignants que se pose plus ou moins consciemment la question de l’opportunité de maintenir l’alimentation et l’hydratation de ces patients. S’y ajoute une question de solidarité sociale : est-il justifié que la société prenne en charge de tels patients sur le long terme alors qu’ils ne sont apparemment même pas conscients ? La Congrégation prend le parti d’entendre ces questions et y apporte des réponses claires et mesurées.

 

Soin répondant à un besoin vital

 

D’une part, l’administration d’eau et de nourriture, même par voie artificielle, n’entend pas être “une thérapie résolutive″, c’est-à-dire un traitement visant à guérir le patient, mais un soin répondant à un besoin vital. Elle est un soin ″proportionné″ dans la mesure où elle ″n’impose pas généralement une lourde charge, ni au patient, ni aux proches. Elle ne comporte pas de coûts excessifs ; elle est à la portée de tous les systèmes de santé de niveau moyen ; elle ne requiert pas de soi l’hospitalisation et elle est proportionnée pour atteindre son but : empêcher le patient de mourir d’inanition et de déshydratation″.

 

Euthanasie par omission

 

D’autre part, si on n’administre pas artificiellement de nourriture ni des liquides à ces patients, même en ″état végétatif permanent″ ils meurent, et ″la cause de leur mort n’est pas alors une maladie ou l’″état végétatif″, mais uniquement le fait de l’inanition et de la déshydratation″. Il s’agit bien d’une euthanasie par omission, c’est-à-dire ″une omission qui, de soi ou dans l’intention ; donne la mort afin de supprimer la douleur(1). Cela consisterait à considérer le malade lui-même comme une charge trop lourde dont on se débarrasse en le laissant mourir.

 

Certains vont jusqu’à mettre en doute ″la qualité humaine″ des patients en ″état végétatif permanent″, sous prétexte qu’ils n’ont plus de relation consciente avec leurs proches et leur environnement. Mais la vie personnelle ne se limite pas à la vie consciente. D’autre part, si la relation est essentielle à l’accueil de la personne, elle n’est pas relation fondatrice de la dignité personnelle. Le commentaire cite Jean-Paul II : ″la valeur intrinsèque et la dignité personnelle de tout être humain ne changent pas, quelles que soient les conditions concrètes de sa vie. Un homme, même s’il est gravement malade, ou empêché dans l’exercice de ses fonctions les plus hautes, est et sera toujours un homme, et ne deviendra jamais ″un végétal″ ou un ″animal″.

 

Les exceptions

 

Les réponses de la Congrégation valent ″en règle générale″. Le commentaire prend soin de mentionner un certain nombre d’exceptions : impossibilité matérielle d’assurer une administration artificielle de nourriture et de liquides ″dans certaines régions très isolées et extrêmement pauvres″, impossibilité du patient à assimiler la nourriture et la boisson, pénibilité excessive ou ″privation grave au plan physique″ (on peut penser aux risques infectieux liés à la nutrition par voie artificielle) pour le patient.

 

En France

 

Le rappel de ce comportement éthique vient à point nommé alors que dans notre pays, certains pensent pouvoir licitement interrompre l’administration de nourriture et d’eau des patients en “état végétatif”. Ils s’appuient sur l’article 3 de la loi Léonetti stipulant que le malade peut refuser non pas seulement ″un traitement″, mais ″tout traitement″, l’exposé des motifs expliquant qu’une telle disposition ″viserait implicitement le droit au refus (de) l’alimentation artificielle, celle-ci étant considérée par le Conseil de l’Europe, des médecins et des théologiens comme un traitement″.

 

Plus encore, ce document de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi encouragera sans doute ceux qui se dépensent depuis des années au service de ces patients et de leurs familles. En France, une circulaire ministérielle de 2002, invite les Agences Régionales d’Hospitalisation à mettre en place des unités de quelques lits d’accueil à long terme adaptées aux patients en ″état végétatif chronique″. Par ailleurs des réanimateurs travaillent à la prévention de ces états à travers la mise au point d’outils techniques de pronostics. La quasi certitude d’une évolution vers l’”état végétatif” permettrait d’éviter une obstination déraisonnable dans les soins intensifs.

 

 

1. Catéchisme de l’Eglise catholique, n°2277

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