« Aide à mourir » vs. « aide active à mourir » : l’euthanasie se glisse dans la proposition de loi sur les soins palliatifs

Publié le 10 Avr, 2025

Il n’aura pas fallu attendre longtemps. En dépit de la volonté du gouvernement de distinguer le sujet des soins palliatifs de celui de l’euthanasie et du suicide assisté, l’« aide à mourir » s’est glissée dans la proposition de loi dédiée au développement des soins palliatifs. Jeudi, en effet, la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale poursuivait ses travaux.

Former à l’« aide à mourir » ?

Après l’adoption d’amendements visant à prévoir « un rapport évaluant l’opportunité et les modalités selon lesquelles pourrait être réformé le financement des soins palliatifs » (AS309) et d’autres portant sur le développement d’une filière universitaire, la discussion se prolonge sur le sujet de la formation.

Agnès Firmin Le Bodo (Horizons & Indépendants) introduit un amendement (AS472) entendant « compléter » l’objectif de la formation dispensée dans le cadre des études médicales. Les étudiants devront être formés « à l’approche palliative et à l’aide à mourir ». De même, les professionnels de santé et du secteur médico‑social recevront, au cours de leur formation initiale et de leur formation continue, une formation spécifique sur l’évolution des soins palliatifs et d’accompagnement « à l’aide à mourir ».

L’ancienne ministre de la Santé rappelle les propos de la rapportrice qui avait évoqué le besoin de créer des « passerelles » entre les deux textes (cf. Fin de vie : deux textes distincts mais « des passerelles » à venir). Agnès Firmin Le Bodo considère en effet que ce serait « une erreur » de ne pas insérer la formation à l’« aide à mourir » dans le texte discuté.

Jouer sur les mots ?

Alors que Patrick Hetzel (Droite Républicaine) alerte sur le fait que cet amendement créerait « un continuum » entre soins palliatifs et « aide à mourir » en faisant considérer l’« aide à mourir » comme un soin, la députée reçoit le soutien de René Pilato (La France insoumise – Nouveau Front Populaire). Selon l’élu, il ne s’agit pas ici d’« aide active à mourir » comme ce sera le cas dans l’autre proposition de loi. « Ne faites pas exprès de faire la confusion », interpelle-t-il. Mais Thibault Bazin (Droite Républicaine) appelle à bien nommer les choses face à l’impression d’un « cheval de Troie ».

Pour se défendre, et bien qu’elle ait d’abord invoqué le besoin de « passerelles » entre les deux textes, Agnès Firmin Le Bodo affirme que cet article « ne préjuge de rien ». Elle mentionne la pratique de la sédation profonde et continue jusqu’au décès qui serait, selon elle, insuffisamment pratiquée en raison d’un manque de formation des professionnels.

La discussion devient houleuse se mue en dialogue de sourds. « Souffrez qu’on puisse avoir un avis différent de vous », s’agace Philippe Juvin (Droite Républicaine), relevant l’« incapacité » de certains députés « à accepter la contradiction ».

Il constate : « dans ce débat tout le monde a une arrière-pensée ». Ségolène Amiot (La France insoumise – Nouveau Front Populaire) dénonce une « lubie » et Jean-François Rousset (Ensemble pour la République), favorable au « soin définitif », explique être opposé à « saucissonner » la formation.

« La formation à un acte illégal »

Appelant à revenir à des échanges respectueux – le terme de « lubie » l’a choquée – la rapportrice Annie Vidal (Ensemble pour la République) s’oppose à cet amendement : « les passerelles se trouveront d’elles-mêmes sur le terrain, quand il y aura une obligation législative ». Elle rétablit en outre les faits : « A ce stade dans l’autre texte il est question aide à mourir pas d’aide active à mourir » (cf. Une proposition de loi sur « la fin de vie » consacrée à l’« aide à mourir »). « Donc quand on parle d’aide à mourir on renvoie à l’autre texte », rectifie-t-elle.

L’amendement est tout de même adopté, ce qui fait vivement réagir Justine Gruet (Droite républicaine) : « On a voté sur l’amendement précédent la formation à un acte illégal ! Je ne sais pas si vous vous rendez compte… »

Le débat sémantique se poursuit mais le mal est fait : la formation à l’« aide à mourir » est désormais prévue par le texte consacré aux soins palliatifs.

La fin de vie dans les programmes scolaires

Forte de son succès Agnès Firmin Le Bodo réussit également à faire adopter un autre amendement (AS449), visant quant à lui à introduire dans les programmes du primaire et du secondaire « des séances d’information sur le cycle de la vie et de la mort incluant le témoignage de bénévoles d’accompagnement issus des associations d’accompagnement reconnues, laïques, apolitiques et aconfessionnelles ».

Julien Odoul (Rassemblement national) se dit très choqué. Il n’est pas le seul à interroger cette « philosophie » qui introduit les interventions d’un certain nombre d’associations dans les écoles « au détriment de la place de la famille ». Quelle vision sera transmise aux enfants ? (cf. La légalisation de l’euthanasie « n’apaise pas la société » : « elle l’inquiète, la transforme, la fragilise »; Canada : un « livre d’activités » pour enfants sur le suicide assisté)

L’article 8 est adopté et le débat doit se poursuivre, cette fois sur la question des maisons d’accompagnement (cf. Maisons d’accompagnement : « Ce n’est pas le “but lucratif” qui est dangereux, mais le “but euthanasique” »). Une nouvelle opportunité pour créer une « passerelle » entre les deux textes ?

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