Lors de la séance du 19 mai en fin d’après-midi, les députés ont poursuivi l’examen de l’article 4 du projet de loi sur la fin de vie. Les débats se sont centrés sur deux des cinq conditions d’accès à l’« aide à mourir » : l’existence de souffrances réfractaires ou jugées insupportables par le patient (4e critère) et la capacité à exprimer une volonté libre et éclairée (5e critère).
Qui évalue la souffrance ?
Plusieurs amendements ont cherché à encadrer davantage l’évaluation des souffrances. Thibault Bazin (Droite Républicaine) a proposé que la souffrance soit constatée par un algologue, dénonçant une approche exclusivement fondée sur la parole du patient : « On fait primer l’éthique de l’autonomie sur celle de la vulnérabilité ». Il a exprimé ses doutes face aux souffrances uniquement psychologiques.
Mais Yannick Monnet (Gauche Démocrate et Républicaine) s’est insurgé : « Votre amendement supprime la parole du patient ! ». La rapportrice Brigitte Liso (Ensemble pour la République) et la ministre de la Santé Catherine Vautrin ont mis en avant la procédure affichée comme « collégiale » qui assurerait déjà une évaluation plurielle.
Refus de traitement : une entrave au droit ou une alerte éthique ?
D’autres amendements ont critiqué la possibilité pour une personne d’être éligible à l’« aide à mourir » même en ayant refusé des traitements. Justine Gruet (Droite Républicaine) a évoqué une « double temporalité » entre soins palliatifs longs à mettre en œuvre et « aide à mourir » accessible plus vite. Marie-France Lorho (Rassemblement National) a rappelé que le rôle du médecin est de soigner : « L’euthanasie n’est pas un soin ».
Brigitte Liso a rejeté ces amendements, refusant de « punir un patient qui refuse un traitement ». Le rapporteur général Olivier Falorni (Les Démocrates) a invoqué Bernard Kouchner : « Soyons dignes de son message ».
« Une souffrance psychologique seule ne peut en aucun cas permettre de bénéficier de l’aide à mourir »
Un amendement de Nathalie Colin-Oesterlé (apparentée Horizons et Indépendants), défendu par Agnès Firmin Le Bodo (Horizons et Indépendants), a été adopté : « Une souffrance psychologique seule ne peut en aucun cas permettre de bénéficier de l’aide à mourir ». Un des rares amendements acceptés. Cette précision, introduite dans le texte, marque une inflexion significative, excluant de fait les souffrances purement psychiques comme motif suffisant.
Un peu plus tôt un autre amendement avait été adopté de justesse, par 81 voix contre 79, précisant que la souffrance psychologique doit être « constante » pour autoriser l’euthanasie ou le suicide assisté.
Consentement et abus de faiblesse
L’alinéa sur la manifestation de la volonté a suscité de nombreux amendements. Justine Gruet a proposé qu’un magistrat vérifie le consentement, comme pour les dons d’organe. Charles Sitzenstuhl (Ensemble pour la République) a cité le professeur néerlandais Theo Boer : « La légalisation de l’euthanasie crée de nouvelles attentes, une nouvelle normalité » (cf. La légalisation de l’euthanasie « n’apaise pas la société » : « elle l’inquiète, la transforme, la fragilise »).
Tous les amendements ont été rejetés. La majorité estime que l’article 6 encadre déjà cette manifestation de volonté.
Faut-il autoriser l’« aide à mourir » par directives anticipées ?
Les débats ont ensuite porté sur les directives anticipées. Plusieurs députés (dont Danielle Simonnet (Ecologiste et Social), Jérôme Guedj (Socialistes et apparentés), René Pilato (LFI-NFP)) ont défendu la possibilité d’exprimer par directives anticipées une demande d’« aide à mourir ». Ils s’appuyaient notamment sur le « modèle » québécois (cf. « Aide médicale à mourir » : le Québec autorise les demandes « anticipées » ; Fin de vie : le Québec dresse un bilan sur 5 ans).
Mais Olivier Falorni et Catherine Vautrin ont réaffirmé que « le consentement au moment de l’acte » est une exigence non négociable : « La réitération de la volonté jusqu’au dernier instant est une garantie essentielle », tranchent-ils.
Tous les amendements visant à intégrer les directives anticipées ont été rejetés. La séance est suspendue et reprendra après le diner.