Affaire Vincent Lambert : Réponse d’Emmanuel Hirsch à Daniel Carré

Publié le 21 Juin, 2016

Le jeudi 18 juin, Alain Carré membre de la commission nationale des droits de l’homme (CNCDH) s’est exprimé sur l’arrêt rendu par la Cour d’appel administrative de Nancy sur l’affaire Vincent Lambert (cf. Décision de la Cour d’appel de Nancy : Vincent Lambert de nouveau entre la vie et la mort ). Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale, a tenu à lui répondre en s’appuyant sur plusieurs passages de sa tribune.

 

Alain Carré déclarait que « le processus demandé par la justice doit l’être dans le total respect de la volonté de Vincent qui a trop longtemps été bafouée pour des motifs qui lui sont totalement étrangers », et il ajoutait : « La mère de Vincent s’acharne depuis trois ans pour bloquer toute décision de justice, au nom de ses valeurs religieuses. (…) L’objectif de la manœuvre est d’obtenir le transfert dans un établissement qui écarterait a priori tout arrêt de traitement. Espérons que les pouvoirs publics ne cèdent pas par lassitude à cette pression, car cette décision transformerait une personne vulnérable en une chose ». Un discours trop sommaire, selon Emmanuel Hirsch, qui a repris ce qui constituerait selon lui « le total respect de la volonté de Vincent ».

 

Emmanuel Hirsch a d’abord souligné que cette affaire relevait d’un « processus décisionnel complexe ». Il fait référence à la circulaire du 3 mai 2002, relative à la création d’unités de soins dédiées aux personnes dites en « état d’éveil sans conscience », basée sur l’interprétation des signes du patient : « Les péripéties et les rebondissements consécutifs à des circonstances familiales et à des logiques décisionnelles contradictoires ont fait apparaître la vulnérabilité extrême des personnes éprouvées par un handicap qui altère de manière irrévocable leurs facultés cognitives ».

 

En ce sens, Emmanuel Hirsch, identifie les limites du protocole de fin de vie, relative à cette circulaire. Il demande : « Selon quels critères incontestables peut-on affirmer que ce qu’elles vivent est incompatible avec la dignité de leur existence », « les données tirées de l’expertise biomédicale dont on évoque néanmoins les approximations s’agissant de personnes en ‘état d’éveil sans conscience’ sont-elles de nature à instruire, voire à déterminer, à elles seules, un processus décisionnel » ?

 

Selon le professeur d’éthique médicale, il est important de rétablir un rapport de pleine confiance, notamment au sein du cercle familial de Vincent Lambert qui se déchire sur son avenir, mais également une confiance entre le corps médical et les proches. Il soutient la volonté des parents du patient qui attendent son transfert dans un autre établissement qui permettrait à sa famille « d’avoir la conviction que l’arbitrage de la décision collégiale se ferait sans le moindre soupçon ».

 

Pour Emmanuel Hirsch, respecter Vincent Lambert, c’est rendre hommage aux personnes « confrontées au handicap, à la maladie, aux situations de détresse humaines et sociales » en se mobilisant à leurs cotés, et en les soutenant dans « la dignité de leur existence ».  

C’est également ne pas « s’en remettre strictement à des procédures médico-légales, voire administratives pour déterminer et légitimer une décision de mort » qui ne respectent pas « le droit d’une personne ». Une position qui relève, pour lui, de droits de l’homme en matière d’éthique médicale.

Il ajoute : « Respecter M. Vincent Lambert, c’est certainement ne pas prononcer aujourd’hui des paroles définitives et rajouter des invectives aux controverses qui depuis mai 2013 le desservent dans ses droits fondamentaux, comme celui de bénéficier de l’accompagnement prescrit aux personnes en état d’éveil sans conscience dans la circulaire du 3 mai 2002 ».

 

Avec justesse et discrétion, Emmanuel Hirsch reste prudent sur l’application de l’arrêt du 16 juin dernier (cf. Décision de la Cour d’appel de Nancy : Vincent Lambert de nouveau entre la vie et la mort et Vincent Lambert : Maître Paillot réagit à la décision de reprise de la procédure d’arrêt des soins) : « Rien ne permet d’affirmer (…) que la procédure collégiale relancée avec l’arrêt du 16 juin aboutisse à une conclusion qui serait considérée incontestable dans le cadre du CHU de Reims. Certaines positions publiques au sein de l’équipe médicale semblent en effet entacher de suspicion l’exigence de neutralité indispensable à un tel arbitrage ».

 

L’OBS Le Plus (Emmanuel Hirsch) 21/06/2016

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