Accoucher de son petit-fils : la GPA intrafamiliale “prive l’enfant d’une généalogie lisible”

Publié le 8 Avr, 2019

L’annonce de la naissance par Gestation par Autrui d’une petite fille ayant sa grand-mère pour mère porteuse, sa tante comme donneuse d’ovocyte, en vue de satisfaire le désir d’enfant de deux homosexuels dont l’un des deux est le père biologique (cf. A 61 ans, une américaine donne naissance à sa petite-fille), a suscité de nombreuses réactions. Outre, le caractère problématique de la GPA elle-même, qui consiste en un contrat dont l’enfant lui-même est l’objet, cette naissance d’une GPA « intra-familiale » pose de nouveaux problèmes dans la mesure où les « différents protagonistes sont liés par des liens de parenté ou d’alliance ».  Alors, est-ce un cas d’inceste ? « L’inceste n’est pas avant tout un interdit biologique mais un interdit social, c’est pourquoi il concerne les membres d’une même famille y compris non reliés biologiquement comme en cas d’adoption », explique Aude Mirkovic, maître de conférences en droit privé, porte-parole de l’association Juristes pour l’enfance,  qui estime que « si la prohibition de l’inceste vise à bannir cet enchevêtrement des liens qui empêche l’enfant de se situer clairement dans la chaîne des générations, alors en effet ici la conception de cet enfant est multi-incestueuse ». Les statuts des différents membres de la famille « sont brouillés et privent l’enfant d’une généalogie lisible le situant dans la succession des générations ».

 

La légalisation de la GPA ne changerait rien « quand bien même on tenterait d’encadrer la GPA, chaque point est en soi un problème insoluble », explique la juriste, « ce qui est bien normal car comment encadrer correctement une pratique qui organise la mise à disposition d’une femme, la disposition d’un enfant et le bricolage de sa filiation ? »

 

La Gestation Par Autrui en effet, inscrit l’enfant délibérément programmé, au contraire des enfants adoptés, dans « une généalogie illisible », l’enfant servant de « variable d’ajustement ». Aussi, « la complicité de la loi qui donne un cadre soi-disant légal à la réalisation de ces désirs égoïstes est une démission collective : c’est le retour à la loi du plus fort. Avec des allures civilisées sous couvert de technologie, fécondation in vitro and co, c’est la loi de la jungle ».

 

Du côté de la femme, Marie-Anne Frison-Roche, professeur de droit à Sciences Po, considère que ceux qui évoque la légalisation en France de la « GPA éthique » consacrerait une sorte d’ « esclavage éthique ». En droit français, « cette notion de « GPA éthique » ne peut pas exister en droit français », affirme la juriste qui ajoute : « C’est le fait même que la gestation pour autrui soit « pour autrui » qui la rend contraire au droit, quelles qu’en soient les conditions », martelant à son tour que « cette pratique porterait clairement atteinte aux êtres humains que sont les femmes en les considérant comme des objets, ce qui est interdit par le droit français ». Un esclavage consenti « ne serait pas licite pour autant ». Par ailleurs, l’exemple de la grande Bretagne montre que « la légalisation n’est pas une solution ». En effet, « plus de 30 ans après l’adoption de la « GPA éthique », les Anglais qui ont les moyens continuent de partir à l’étranger ».

 

Pour aller plus loin :

A La Haye, un groupe d’experts veut encadrer la GPA à l’échelle internationale

GPA : Que s’est-il dit à la conférence de la Haye ?

Altantico, Aude Mirkovic (04/04/2019) – Pourquoi est-ce qu’accoucher de son petit-fils (conçus avec les gamètes de son gendre et de sa fille) pose de sérieux problèmes en tout genre ; Marianne, Louis Hausalter (07/03/2019) – Mères porteuses : “Une GPA ‘éthique’ ne peut pas exister en droit français”

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