A propos des mères porteuses

Publié le 28 Jan, 2008

Pierre-Olivier Arduin, responsable de la commission bioéthique du diocèse de Fréjus-Toulon revient sur la question des mères porteuses et la mise en place en France d’un groupe de travail à l’initiative de la commission des affaires sociales et de la commission des lois du Sénat (cf. Synthèse de presse du 17/01/08).

L‘affaire de Dominique et Sylvie, ce couple français qui a eu recours à une mère porteuse américaine pour donner naissance à des jumelles (cf. Synthèse de presse du 05/11/08) a effectivement relancé le débat. Cette affaire est loin d’être isolée puisque de nombreux couples s’engagent dans le tourisme procréatif et font pression pour que cette pratique soit légalisée.

La maternité pour autrui peut s’envisager de deux façons. Soit la mère porteuse "loue" son utérus mais l’embryon est issu des gamètes des parents biologiques, soit elle est inséminée artificiellement par les spermatozoïdes du père en fournissant un de ses ovocytes. En Europe, la gestation pour autrui est autorisée en Grande-Bretagne, en Belgique et en Grèce et tolérée aux Pays-Bas, au Danemark et en Finlande. En 2005, un parlementaire préconisait une dépénalisation de la pratique et une harmonisation des législations européennes.

En France, cette pratique est interdite comme l’indique l’article 16-7 du Code civil : "Toute convention portant sur la procréation ou la gestion pour le compte d’autrui est nulle". En effet, dans l’esprit de notre droit, la mère est celle qui donne la vie sauf en ce qui concerne l’adoption. Par ailleurs, explique Pierre-Olivier Arduin, "aller contre cette disposition multiséculaire serait tenir pour rien la relation materno-foetale, au moment où celle-ci est de plus en plus documentée, dans sa contribution à construire la personnalité de l’enfant".

Aux Etats-Unis, la jurisprudence a réglé l’éventualité de la survenue de conflits en considérant comme souveraine l’expression de l’autonomie individuelle des 2 parties qui signent le contrat, c’est-à dire qu’aucun recours de la mère porteuse n’est possible.

Du côté de la mère porteuse, il s’agit d’une instrumentalisation de sa personne même si elle est volontaire. Mettre à disposition ses fonctions de reproduction, entraîne une confusion entre procréation, reproduction et simple production d’une marchandise, en l’occurrence l’enfant. "L’incompatibilité entre la dignité humaine et le rôle purement instrumental donné au corps est irrémédiable", explique Pierre-Olivier Arduin.

Du côté de l’enfant, l’Institut européen de bioéthique évoque la chosification de l’enfant car la mère porteuse s’engage "à céder l’enfant qu’elle aura porté en posant un acte de disposition relatif à une personne. Il s’en suit une réification de l’enfant traité non comme un sujet de droit, mais comme un objet de créance ou comme une chose due en vue du contrat". Et il s’interroge de ce qu’il adviendra de l’enfant s’il ne répond pas aux désirs du commanditaire.

Renoncer à un enfant et le céder moyennant argent nous "fait basculer dans le monde des choses appropriables et disponibles, à l’inverse de la personne, radicalement indisponible", explique P.O. Arduin.

Enfin, il critique ceux qui souhaitent un encadrement de cette pratique jugeant qu’ils n’ont pas compris qu’il faut alors modifier tout l’édifice juridique avec les principes "d’indisponibilité du corps humain et de distinction entre les choses et les personnes".

Décryptage (Pierre Olivier Arduin) 25/01/08

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