A propos des mères porteuses

Publié le 20 Avr, 2009

Les Echos reviennent sur le débat sur les mères porteuses qui dépasse largement les clivages traditionnels. La gestation pour autrui (GPA) est interdite en France au nom du principe de l’indisponibilité du corps humain et de la volonté d’empêcher l’exploitation de femmes démunies mais aussi parce qu’elle remet en cause les principes d’anonymat, les parents "intentionnels" voulant connaître la mère porteuse, et de gratuité, la frontière étant plus que floue entre rémunération et indemnisation.

Les dérives observées dans certains pays, comme l’Ukraine dans lequel se développe un véritable "tourisme procréatif" (cf. Synthèse de presse du 16/04/09), font craindre que le même schéma ne se reproduise en France. Pour les partisans de la légalisation de la GPA, c’est pour éviter ces dérives qu’il faut légiférer sur le sujet. Mais que faire si la mère porteuse décide de garder l’enfant ou si l’enfant naît handicapé et que les parents "intentionnels" n’en veulent plus…

Selon le droit français, la mère est celle qui accouche. La légalisation de la GPA remettrait donc en cause ce principe de filiation. Ainsi, la Cour de cassation a cassé un arrêt de la Cour d’appel de Paris qui reconnaissait comme irrecevables les poursuites engagées par le Ministère public contre le couple Mennesson, "parents" de jumelles nées d’une mère porteuse californienne (cf. Synthèse de presse du 18/12/08).

Notons qu’aux Pays-Bas, où cette pratique est tolérée, la GPA est accessible pour raisons médicales. La mère porteuse doit par ailleurs avoir au moins un enfant, être âgée de moins de 44 ans et doit renoncer à ses droits parentaux. Si elle peut être indemnisée, la loi punit toute activité visant à mettre en rapport des couples désirant un enfant avec des mères porteuses. Enfin, selon un protocole de 1997, la mère adoptive et la mère porteuse doivent avoir un lien affectif.

Aux Etats-Unis, une douzaine d’Etats ont légalisé cette pratique (Californie, Massachusetts, Pennsylvanie, Texas, Illinois, Floride, Utah…) à laquelle ont recours aussi des étrangers. Il y existe trois types de mères porteuses : celle qui, inséminée par le père, est également la mère biologique ; celle qui porte l’embryon des futurs parents et celle qui porte un embryon obtenu par don d’ovules et fécondé par le père. Le premier cas est désormais largement interdit et les couples stériles ou homosexuels qui recourent à la GPA doivent trouver une donneuse d’ovules avant de trouver une mère porteuse. Signalons qu’outre-Atlantique les coûts peuvent aller jusqu’à 90 000 $.

Le site Slate.fr publie par ailleurs une analyse sur le sujet. L’auteur revient sur l’ouvrage de Sylviane Agacinski (cf. Synthèses de presse du 15/04/09 et du 16/04/09) dans lequel la philosophe dénonce avec véhémence ce qu’elle considère comme une nouvelle forme de marchandisation du corps humain et, au-delà de la seule question des mères porteuses, "embrasse d’un nouveau regard le développement contemporain des pratiques d’assistance médicale à la procréation" (AMP). Principale question de la prochaine révision de la loi de bioéthique, le législateur va-t-il ainsi remettre en cause l’une des "clefs de voûte juridique" selon laquelle l’AMP est accessible aux couples stables, composés d’un homme et d’une femme en âge de procréer et souffrant de difficultés à concevoir ?

"De quel droit interdire, par exemple, aux femmes célibataires et aux couples homosexuels de bénéficier de ces thérapeutiques ?", demandent ceux qui estiment que le législateur n’a pas à intervenir dans ces sphères de l’intime. Contestation qui conduit à la question de la dépénalisation de la GPA. Alors, "le législateur français autorisera-t-il demain une femme à porter un embryons conçu – pour tout ou partie – avec les cellules sexuelles d’un couple tiers tout en acceptant la programmation d’abandonner l’enfant dans l’heure qui suivra sa naissance ?". La question est d’autant plus grave "que l’on sait que toute forme de remise en cause du concept d’indisponibilité du corps humain conduit immanquablement à l’émergence de nouvelles formes d’esclavage ; un esclavage d’autant plus pervers qu’il prospère ici dans des espaces démocratiques sous la double bénédiction de la thérapeutique et de la ‘solidarité féminine’".

"Rien n’interdit de penser que l’acceptation de la grossesse pour autrui, c’est-à-dire de la grossesse devenue étrangère sera l’étape qui nous rapprochera de la grossesse artificielle, c’est-à-dire devenue inhumaine", conclut l’auteur.

Les Echos.fr (Marie Bellan, D.B., Virginie Robert) 20/04/09 – Slate.fr (Kléber Ducé) 20/04/09

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