A la suite d’Arthur Kermalvezen, jeune homme né par insémination artificielle avec donneur qui a retrouvé son père biologique à l’aide d’un test ADN[1], 70 personnes de l’association PMAnonyme[2] se sont lancées et ont envoyé un prélèvement de salive aux Etats-Unis dans l’espoir de retracer leurs origines. Ces tests génétiques, interdits en France, mais disponibles sur internet, sont leur « nouvel espoir » après avoir bataillé sans succès sur le plan juridique. Suivis d’une enquête généalogique, ils offrent une chance « encore très ténue d’aboutir » : « il y a encore peu de français sur ces bases de données. Mais dans l’avenir, je suis sûre que nous arriverons tous à avoir des informations plus précises à mesure que de plus en plus de personnes feront ces tests », estime Astrid, qui n’a pour sa part pas retrouvé son donneur, mais a découvert ses origines ethniques. D’ailleurs « des donneurs nous ont rejoints et acceptent de faire ces tests » se réjouit le président de l’association. Et «les moteurs de recherche et réseaux sociaux sont une arme de plus dans cette quête ». « En Belgique, une association d’enfants de donneurs spécialisée dans ces recherches s’est créée en mai dernier ». Sur 250 demandes d’enfants, de parents, de donneurs, mais aussi d’enfants « officiels » de donneurs, l’association a retrouvé 129 demi-frères et sœurs et 16 pères biologiques.
Ces pratiques « fragilisent » l’anonymat du don de gamètes, constate Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d’éthique. Jean-René Binet, professeur de droit privé, estime de son côté que « les possibilités d’accéder à des informations génétiques ayant évolué, le législateur ne peut plus faire semblant d’ignorer cette quête d’accès aux origines mise en lumière par l’histoire d’Arthur Kermalvezen ». D’autant plus que « l’ombre d’une condamnation de la France par Cour européenne des droits de l’homme plane sur le débat » : Audrey Kermalvezen et Clément Roussial ont tous deux saisi la CEDH « pour faire valoir leurs droits à connaitre leurs origines »[3].
Les partisans de l’anonymat du don de gamètes ont toutefois de leur côté plusieurs arrêts du Conseil d’état[4], qui a toujours rejeté les demandes d’enfants issus d’un don de gamètes. Les Cecos[5], brandissent le « risque de baisse des dons de gamètes » avec une levée de l’anonymat. Le Docteur Nathalie Rives, présidente de la fédération française de ces établissements minimise le nombre de jeunes adultes engagés dans ces démarches : « Il ne me semble pas qu’il s’agisse d’une vague massive », déclare-t-elle, écartant donc la remise en question du fonctionnement actuel du don de gamètes. L’association des enfants du don postule, par exemple, que « les gamètes sont des cellules sans importance par rapport à l’éducation et à l’amour que reçoit un enfant », et ne milite donc pas pour la levée de l’anonymat. Interrogée sur l’accès aux informations non identifiantes et médicales des enfants issus du don sur leur père biologique, Nathalie Rives acquiesce sans donner plus de précisions.
[1] Né d’un don de sperme, il retrouve son géniteur par généalogie génétique
[2] Don de gamètes : les revendications de l’association PMAnonyme
[3] Anonymat du don de gamètes: la CEDH condamnera-t-elle la France ?
[4] Anonymat du don de gamètes : pas d’exception possible selon le Conseil d’Etat
[5] Centres d’études et de conservation des œufs et du sperme.
Le Figaro, Agnès Leclair (16/02/2018)