Une jeune mère, Caroline Lemoine, a involontairement déclenché une vague d’émotions dans toute la France en réclamant des précisions sur ce qu’était devenu le corps de son enfant décédé il y a trois ans, suite à une interruption médicale de grossesse en raison d’un handicap.
Son enfant, qu’elle croyait incinéré, était en fait conservé dans du formol, dans un bocal, à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul à Paris, avec 350 autres enfants, depuis de nombreuses années, certains depuis 1985.
L‘affaire est rapidement montée jusqu’au premier ministre, Dominique de Villepin et au ministre de la Santé Xavier Bertrand. Ce dernier a fait part, le mardi 2 août, de sa "profonde émotion" et de son "indignation" face à une telle découverte. ""Ce que j’ai vu m’a énormément choqué. J’ai encore en mémoire des images très éprouvantes. Ces poches et bocaux de formol répartis dans ces salles…" Le premier ministre, quant à lui, a demandé l’ouverture d’une enquête "sans délai" pour déterminer les responsabilités.
Personne ne sait pour quelles raisons ces corps étaient conservés. "On est en face d’une chose pas clairement organisée, remarque Jean-Marc Boulanger, le secrétaire général de l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, il n’y avait pas lieu de conserver ces foetus."
Le président du Syndicat des gynécologues obstétriciens, Guy-Marie Cousin, ne partage pas, lui, l’émotion suscité par l’affaire. Il s’étonne de l’indignation de tous car "ce doit être le cas dans les 22 hôpitaux universitaires." Selon lui, "quand les parents ne réclament pas le corps, au-delà de 10 jours, c’est à l’hôpital de le prendre en charge, qui peut l’utiliser à des fins de recherche, sauf s’ils précisent qu’ils ne le donnent pas à la science."
"C‘est la continuation de vieilles habitudes hospitalières", a estimé Axel Kahn, membre de l’Académie des sciences. "Au 19e siècle mais encore au 20e siècle, il y a dans de très nombreux hôpitaux des musées de la médecine avec des bocaux et dans ces bocaux, (…) des pièces d’anatomie, des fœtus (…) des embryons et des nouveau-nés montrant des malformations".
Jean-Marc Boulanger, quant à lui, estime qu’ "il n’y avait pas lieu de conserver cet ensemble de foetus ou d’enfants mort-nés. Si des analyses médicales ou scientifiques étaient nécessaires pour l’étude des causes de telle ou telle malformation, ces analyses auraient dû être pratiquées dans les jours suivant la fausse couche, l’avortement ou la naissance. Et après ces analyses, on aurait dû procéder, selon les cas, à des incinérations ou à des inhumations."
Le maire de Paris, Bertrand Delanoë, s’est dit "profondément" choqué par l’annonce "stupéfiante" de la découverte des 351 fœtus et a annoncé que "toutes les consignes ont été données aux services de la ville de Paris afin que, le moment venu et dans la dignité qui s’impose, il puisse être procédé à l’inhumation ou l’incinération des corps".
Du côté de l’opposition gouvernementale, François Hollande, premier secrétaire du PS a exprimé son "profond malaise", suite à cette découverte, soulignant que la loi "n’a pas été respectée" dans cette affaire. "Nous ne sommes pas devant un vide juridique, des textes ont été votés, il y a un cadre juridique. Il faut savoir pourquoi ce cadre juridique n’a pas été respecté dans cet hôpital (…). Il faut absolument que la loi soit respectée dans toute sa rigueur", a-t-il déclaré.
Jean-Marie Le Pen, président du Front National, s’étonne de l’émotion provoquée par l’affaire. "Dans nos hôpitaux et nos cliniques, environ 600 foetus sont tués chaque jour, sans que cela soulève la moindre émotion. Pourquoi ? Cette question est sans doute politiquement très incorrecte. Elle devrait pourtant interpeller les Français".
Le Monde (Anne-Lyse Defrance et Jean-Yves Nau) 03/08/05 04/08/05 – La Croix 03/08/05 – Le Figaro 03/08/05 –