Hausse du nombre de suicides assistés en Suisse : “Le véritable danger serait d’installer une culture allant dans ce sens”

Publié le 30 Oct, 2016

Alors que deux frères ont entamé une action en justice pour s’opposer à la demande de leur frère aîné, 83 ans, sans pathologie particulière, qui souhaitait faire appel à Exit pour mourir (cf. En Suisse, des frères attaquent Exit en justice : verdict fin janvier), Bertrand Kiefer, médecin, rédacteur en chef de la Revue médicale suisse, donne des clés pour comprendre.

 

Pour lui, « les demandes d’Exit nous obligent à aborder la question de la vieillesse et la place culturelle que nous lui accordons. Elle est associée à un sentiment de déchéance dans un monde valorisant la jeunesse, la performance et la beauté; l’humain est de plus en plus ramené à un produit qui doit être de bonne qualité.

On nous répète d’ailleurs que le but est d’assurer une «qualité de vie» aux personnes âgées. Non, il faut surtout les aider à trouver un sens à leur vie. D’autant plus dans un système déshumanisé à bien des égards ».

 

Face aux demandes croissantes de suicide assisté (cf. Suisse: de plus en plus de suicides assistés), il met en garde : « Le véritable danger serait d’installer une culture allant dans ce sens. Nous devons éviter que les personnes qui n’optent pas pour ce choix subissent une pression en intégrant le discours qu’avec l’âge, on devient inutile ». Il dénonce un système qui ne valorise plus la vieillesse, car « notre société est contaminée par un modèle économique basé sur la productivité. Les personnes âgées subissent un déclassement, renforcé par l’incessant renouvellement technologique. Autrefois, elles étaient considérées comme sages. Aujourd’hui, une partie de leur expérience est devenue obsolète. Nous devons donc redoubler d’efforts pour n’exclure aucune classe d’âge ».

 

Bertrand Kiefer regrette que « nous n’ayons plus de discours partagé sur la mort, elle fait peur. Parce qu’il ne sait pas ‘que lui dire’ », « l’assistance au suicide est un moyen de se rassurer, en se disant qu’on maîtrise la situation ». Il rappelle que « jusqu’au milieu du XXe siècle, la «bonne» mort était celle que l’on voyait venir, dans son lit, avec ses proches. A présent, c’est celle qui vient d’un coup. L’attitude a basculé face à ce mystère qui, depuis toujours, suscite la révolte et appelle à des réponses culturelles ».

 

Il estime que « pour en finir avec la hausse des suicides et du désir de suicide, il est important de ne pas céder au fatalisme, de ne pas porter un jugement négatif sur cette période de la vie ». Car enfin, « toute personne a une valeur : la vie a un sens par elle-même, il ne devrait pas être nécessaire de la justifier ».

Le Courrier (Laura Drompt) 28/10/2016

Photo : Pixabay, DR

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