Argentine : le président Macri ouvre le débat sur l’avortement dans un pays fortement divisé sur ces questions

Publié le 28 Fév, 2018

En réponse aux demandes des groupes de pression féministes qui réclament « l’avortement légal sûr et libre  depuis 2005 » et bien que personnellement opposé à l’IVG, le président argentin, Mauricio Macri, a annoncé sa décision d’ouvrir un débat au Congrès national sur la décriminalisation de l’avortement.

 

Ce lundi, quelques jours seulement avant l’ouverture des sessions ordinaires, le président Macri a reçu plus de 70 députés et sénateurs de son parti dans sa résidence présidentielle d’Olivos. Il leur a exprimé sa position « pro-vie ». Il leur a également souhaité un large et enrichissant débat au Parlement, les députés étant, en pratique, laissés libres de « voter selon leur conscience ».

 

Nombreux sont les analystes politiques qui soulignent que le parti au pouvoir a décidé d’ouvrir ce débat dans un contexte de faible image positive du président et au cours d’un semestre qui présente des difficultés pour le gouvernement. En cause, le fort conflit généré par les syndicats et les organisations sociales représentant les travailleurs qui intervient dans le contexte incertain d’une économie affectée par l’inflation. Le débat sur l’avortement, ainsi que la Coupe du monde en Russie pourraient détourner l’opinion publique de ces questions.

 

Le 6 mars, un projet de loi proposant de décriminaliser et d’incorporer l’ « interruption de grossesse » (article 1) jusqu’à la 14e semaines du processus gestationnel dans les programmes médicaux obligatoires de l’assistance sociale et des services médicaux prépayés, sera présenté au Congrès.

 

L’article 3 de la loi est le plus controversé : il envisage de légaliser l’avortement pendant les neuf mois de grossesse en cas de viol ou si le fœtus présente des « malformations graves », ce qui inclut les enfants porteur de trisomie 21. Mais aussi « lorsque la vie ou la santé physique, psychologique ou sociale de la femme est menacée ». L’introduction du « risque pour la santé » de la mère est la porte ouverte à l’avortement sans distinction à tous les stades de la grossesse.

 

La loi obligerait « dans tous les cas » les autorités des établissements médicaux à « garantir la mise en œuvre » de l’avortement (article 6), ce qui entraverait le droit légitime à l’objection de conscience des professionnels de la santé.

 

Le texte prévoit également que toute adolescente de 13 ans peut « décider de la pratique et donner son consentement » à un avortement (article 8) : les mineures pourront être soumis à une pratique invasive dangereuse pour leur santé et sans que l’avis de leurs parents ne soit pris en compte.

 

Les étapes successives

 

Depuis son lancement, la « Campagne pour l’avortement légal, sans risque et gratuit » a diffusé dans les médias et par le biais de leaders d’opinion, des données controversées et non-vérifiables. Ils insinuent qu’en Argentine « 500 000 avortements sont pratiqués par an », alors que le pays compte moins de 45 millions d’habitants, et que l’avortement est « la principale cause de mortalité maternelle ». Mais ces organisations n’ont jamais été en mesure de prouver scientifiquement ce chiffre, qui est équivalent au nombre de naissances vivantes par an (700 000) et qui est également incompatible avec le taux de fécondité des femmes argentines.

 

Le Ministère national de la santé publie chaque année des statistiques, qui énoncent principales causes de décès dans le pays. Il y est rapporté qu’en 2016, l’avortement a causé la mort de 43 femmes (avortements provoqués ou spontanés confondus). Selon les statistiques officielles, les principales causes de décès des femmes enceintes sont « des causes obstétricales directes et indirectes » : des infections et des pathologies qui n’ont pas été détectées à temps par le système de santé. Un démenti s’est imposé dans le débat public et l’accent a été mis sur la qualité des soins de santé avant, pendant et après la grossesse, comme première étape pour aborder ces questions.

 

L’une des organisations les plus engagées, Frente Joven, est une plateforme qui propose « la défense et la promotion des droits humains fondamentaux, y compris le droit à la vie ». Frente Joven met l’accent sur le fait qu’il n’existe pas d’avortement sans risque (cf. Arte donne la parole à des femmes qui ont eu recours à l’avortement).

 

Le scénario futur

 

Certaines voix du parti au pouvoir, en minorité législative sur les deux chambres, insistent sur le fait que la coalition gouvernementale Cambiemos n’appuie aucun projet de décriminalisation, mais soutient un débat sur cette question.

 

Une fois la session ordinaire du Congrès ouverte, il est prévu que le projet de loi soit débattu dans les commissions santé, législation générale, droit pénal et enfance, adolescence et famille. Le débat devrait s’étaler sur au moins deux mois.

 

Sur le plan social et culturel, ce qui est en jeu, c’est le concept de vie humaine : les promoteurs de l’avortement aiment à dire dans les médias que « l’embryon devient une personne quand la femme enceinte le décide ». Les défenseurs de la vie qu’il est une personne humaine « dès la conception ».

 

Cette possible décriminalisation de l’avortement ouvre la porte aux débats sur l’euthanasie, la maternité de substitution et la modification génétique des embryons. Le nouveau code civil et commercial de la Nation, approuvé en 2014, a en effet ouvert le débat en mentionnant une éventuelle loi visant « l’embryon non implanté ». 

 

Certains observent que la dépénalisation de l’avortement pourrait être déclarée inconstitutionnelle, pour violation de la Convention américaine relative aux droits de l’homme et de la Convention relative aux droits de l’enfant. L’État argentin a incorporé cette dernière avec rang constitutionnel en 1994, précisant, lors de sa ratification, que l’enfant, dès sa conception, est une personne humaine.

 

Source : Correspondant Gènéthique en Argentine

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