Audition du CCNE : la caution des promoteurs de l’euthanasie

23 Avr, 2024

Il n’est pas anodin que le Comité Consultatif National d’Ethique (CCNE) ait été auditionné juste après la ministre de la santé, le 22 avril. Olivier Falorni, rapporteur général de la commission spéciale, l’explique sans détour : « Votre avis 139 a joué un rôle majeur dans le processus que nous vivons ».

Jean-François Delfraissy, président du CCNE, Régis Aubry et Alain Claeys, co-rapporteurs de l’avis n° 139 « Questions éthiques relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité » de 2022 ont donc exposé leurs avis devant un bon nombre des députés de la commission spéciale, dans une ambiance feutrée, attentive, tels des sages de l’éthique du bien mourir.

Le CCNE, subtil allié du gouvernement   

Jean-François Delfraissy rappelle que l’avis 139 est issu d’une auto-saisine du CCNE. Il concluait pour la première fois en faveur d’une légalisation d’une « aide à mourir » et était publié au moment de l’ouverture du débat citoyen sur la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté. Une concomitance qui laisse dubitatif sur l’indépendance du CCNE. (cf.  Avis du CCNE sur l’euthanasie : une « révolte métaphysique »).

D’autant que son président s’en défend : « Le CCNE n’est pas là pour commenter le projet de loi », mais il constate « on est frappé qu’il soit aussi proche de l’avis du CCNE ». Il tente de convaincre : « on ne construit pas l’éthique sur les sondages, mais la majorité des membres du CCNE, de la convention citoyenne et des sondages de citoyens sont largement favorables à l’évolution de la loi » (cf. Fin de vie : La Convention citoyenne rend sa copie).

Décalage entre le plaidoyer sur les soins palliatifs et le projet de loi sur la mort administrée

Au fur et à mesure de l’audition, on est frappé du décalage créé par les orateurs avec le projet de loi sur lequel les députés vont plancher. Les propos d’Alain Claeys et Régis Aubry relèvent en très grande partie d’un plaidoyer pour le développement des soins palliatifs, le financement de l’hôpital et l’alerte sur la tarification à l’activité qui « favorise l’acte technique » au-delà de l’acte humain, ou encore les moyens et la formation initiale et continue sur les soins palliatifs, sans compter le volet recherche.

Pourtant, le projet de loi porte fondamentalement sur l’injection d’un produit létal, et ne compte que 4 articles sur les soins palliatifs (cf. « Une forme de nihilisme désormais présent au sein même de l’Etat » : après l’IVG, Emmanuel Macron reprend le dossier de la fin de vie). Alain Claeys interpelle les députés : « Ces 4 articles sont extrêmement importants. Mais il y a une insuffisance sur la recherche sur les soins palliatifs dans le projet de loi. Il faut que l’Inserm et l’Agence nationale de la recherche aient des priorités sur le sujet ». Régis Aubry quant à lui pointe du doigt le décalage entre les progrès de la médecine et l’accompagnement effectif : « On ne peut contribuer à engendrer des situations de grande complexité/vulnérabilité et ne pas se donner les moyens d’accompagner ces situations […] l’appréhension de la volonté de mourir est complexe et ne signe pas la volonté de mourir. L’interdisciplinarité est essentielle dans l’accompagnement ».

Euthanasie versus vulnérabilité : l’urgence d’accepter la fragilité

On est encore frappé de la rupture entre la préoccupation des orateurs et leur conclusion en faveur de l’euthanasie. Régis Aubry par exemple s’inquiète d’un problème majeur : « Dans nos sociétés on pose la question de la souffrance existentielle des personnes qui se retrouvent confrontées à cette vulnérabilité dans un environnement qui ne facilite pas l’estime de soi, et le sentiment d’exister quand on est atteint d’une maladie grave ». Il appelle à une autre forme d’expression de la solidarité que celle d’un accompagnement médical, et encourage les maisons d’accompagnement (cf. « La fin de vie n’est pas avant tout un sujet de liberté individuelle mais de solidarité collective »).

On peut alors s’interroger : en quoi l’euthanasie sera une solution à ce problème sociétal majeur ? Le manifeste des 110 nous rappelait sans détour que, loin de régler la souffrance existentielle, « l’aide à mourir » serait une violence supplémentaire (cf.  « Manifeste des 110 » :  « laissez-nous le droit d’exister, d’exister tels que nous sommes »).

Pour en savoir plus sur cette audition, vous pouvez consulter le compte X de Gènéthique.

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